Après 20 ans de gabegie et d'atermoiements, les zones industrielles reçoivent enfin leurs premiers projets d'envergure. Classée à la peu reluisante 26e place quant au nombre de PME actives, la wilaya de Mostaganem bute sur un épineux problème de gestion de ses zones d'activités. En effet, après le lancement en 1984 de la première zone industrielle de Fornaka, une récente évaluation de l'état des projets fait ressortir un état de stagnation. C'est ainsi que sur les 643 lots crées à travers 9 sites, implantés sur autant de communes, seule une infime partie est actuellement en activité. Soit 16 projets sur un total de 216 approuvés et ayant bénéficié d'une superficie globale de 129 hectares. Par ailleurs, 35 projets seraient en cours de réalisation. Après 18 ans d'atermoiements, 12 projets seront tout simplement abandonnés par leurs promoteurs. Il est surprenant de constater que 22 ans après son lancement, l'opération de création de zones industrielles ou d'activités, aura laissé en rade pas moins de 70% des projets. Même la zone de Fornaka qui ne manque pourtant pas d'atouts, commence à peine à sortir du tunnel de la renonciation. Alors qu'elle s'étale sur pas moins de 95 hectares, sur les 56 lots de terrains attribués dès 1984, seuls deux projets auront été concrétisés. Le premier concerne un centre à bitume dont la production est essentiellement destinée aux travaux routiers dans le Grand Sud. Le second opérateur s'est spécialisé dans la production des alvéoles gaufrées destinées au conditionnement des œufs. Qui, en raison de la très forte concentration en élevages avicoles industriels de la région, n'aura aucune difficulté à écouler la totalité de sa production. Tous les autres projets initialement localisés au niveau de ce site n'auront aucune suite. Pourtant, de leur coté, les pouvoirs publics n'auront pas lésiné sur les moyens. En effet, outre une totale viabilisation du site, les investisseurs auront bénéficié du branchement de l'électricité et de l'eau. Même si entre-temps, le forage et les réservoirs seront affectés à l'approvisionnement de la population. Il y eut tout récemment un apport d'argent frais à hauteur de 72 millions de dinars ; qui serviront à la réhabilitation des infrastructures. Des initiatives qui auront pour effets immédiats, l'arrivée de 3 véritables investisseurs, dotés de moyens financiers conséquents et de projets industriels d'envergure. Il s'agit d'un opérateur Saoudien et de deux Libyens. Le premier est en période de montage d'une unité de production d'engrais chimiques destinés à l'agriculture. En phase de production, l'usine emploiera 150 ouvriers et pourvoira aux besoins des agriculteurs de tout l'Ouest algérien. En raison de l'envergure du projet, il n'est pas exclu qu'une partie de la production prenne la direction des marchés extérieurs. Les deux entrepreneurs Libyens sont en train d'assembler deux usines destinées à la production respective de marbre et de peinture. Inexpérience et désaffection des promoteurs nationaux Une embellie qui malheureusement ne suffira pas à combler l'énorme retard accumulé sur deux décennies, car la désaffection des promoteurs nationaux aura coûté à la région la perte de 2000 emplois permanents et une perte en ressources fiscales de sommes colossales qui manqueront au budget des collectivités locales. Cette contre-performance de l'investissement national peut être expliquée par différents facteurs. Il y a d'abord cette volonté chez la plupart des partenaires d'acquérir des terrains sans avoir au préalable ficeler un véritable projet d'investissement. Si certains l'auront fait en toute naïveté, il y a ceux qui l'auront fait à desseins. En effet, ayant acquis des superficies colossales payées au moindre coût, nombre d'opérateurs s'avéreront n'être que de vulgaires spéculateurs. Leur unique souci étant de mettre de coté ces surfaces en attendant un éventuel repreneur. Sinon, comment expliquer que certains pseudo-investisseurs s'autorisent à acheter plusieurs lots et parfois en des endroits différents sans qu'à ce jour ne sorte du sol la moindre bâtisse ? Il suffit aux responsables de faire dresser un état des lieux pour mettre à jour toutes ces supercheries. L'un des éléments qui aura dissuadé plus d'un est l'absence de viabilisation et d'attractions pour la plupart des sites. En effet, beaucoup d'opérateurs rechigneront à s'investir dans des communes rurales éloignées de toutes commodités et de tout appui logistique. C'est ainsi que sur un total de 3500 PME activant dans la région, plus de 60% sont installées dans un rayon de 15 km autour du chef lieu de wilaya. En effet, la plupart des entreprises de l'agro-industrie, du BTPH, de la pêche, des services et des matériaux de constructions, dont 90% emploient en moyenne jusqu'à 10 ouvriers, se trouvent sur les communes de Sayada, Mostaganem, Hassi Mamèche et Mazagran. L'inexpérience dans l'élaboration des dossiers chez la plupart des investisseurs, ainsi que leur incapacité à réunir les 30% du financement sous forme d'apport personnel, sont des éléments non négligeables dans la genèse de l'échec. L'absence d'une structure de suivi et d'évaluation des projets, les lacunes du cahier des charges et le retrait systématique de l'état de ces zones dites industrielles auront fini par créer ces situations entortillées où plus personne ne sait qui fait quoi dans ces territoires de non droit. Une nouvelle dynamique de développement Laissant aux spéculateurs le soin de se dérober à leurs obligations, rétrocéder les lots à des tiers ou disparaître dans la nature sans laisser de traces. Il semble bien que les autorités locales aient pris conscience de ces dérives. C'est pourquoi une enquête approfondie vient d'être diligentée afin de faire le point sur qui fait quoi dans les 9 zones industrielles où ne pousse plus que le chardon. Il est attendu que d'ici peu -une fois l'enquête bouclée et les responsabilités bien définies-, lorsque les investisseurs véreux auront cédé la place à de véritables promoteurs, une nouvelle dynamique de développement se mette en place. A l'image des projets déjà initiés au niveau de Fornaka ou de Mesra où on signale le démarrage imminent de plusieurs projets dont une menuiserie industrielle montée en partenariat avec un Iranien et une fabrique de meuble de luxe dont les produits devraient égaler ceux en provenance de Malaisie ou d'ailleurs. Ainsi, avec plus de 20 ans de retard, les zones industrielles devraient progressivement retrouver leur vocation initiale. Ce qui devrait permettre à la région de mieux valoriser ses formidables atouts que sont la proximité de voies de communications (chemin de fer, autoroute, ports et aéroports), la disponibilité d'une main d'œuvre bon marché, une énergie peu onéreuse et une stabilité remarquable. D'ailleurs, Saoudiens, libyens et Iraniens ne s'y sont pas trompés. Avec l'imminente ouverture d'une gare maritime, que Français et Espagnols sont en train de convoiter, un nouvel essor n'est plus une utopie. A la condition expresse que les opérateurs privés et publics jouent le jeu de la transparence et de la concurrence. Autrement, Mostaganem devra se contenter des miettes que voudra bien lui céder sa concurrente et voisine de l'Ouest.