Au lendemain de la marche du 20 Avril empêchée et réprimée par les forces de sécurité dans la ville de Tizi Ouzou, des centaines d'étudiants se sont rassemblés, hier en début d'après-midi, devant le campus universitaire Hasnaoua. Une action durant laquelle les manifestants ont scandé des slogans hostiles au pouvoir pour dénoncer l'empêchement de la manifestation pacifique devant célébrer le 34e anniversaire du Printemps berbère. Les protestataires ont barré la route, à proximité du portail de l'université, à l'aide d'objets hétéroclites. Dans la foulée, ces jeunes ont improvisé une marche qui a démarré du carrefour du 20 Avril en direction du centre-ville. «A bas la répression !», «Pouvoir assassin !» clamaient les étudiants le long de la rue Lamali. Les marcheurs ont battu le pavé sans être empêchés jusqu'à leur arrivée à une vingtaine de mètres du commissariat de la ville où un dispositif des forces antiémeute était en place, appuyé par les véhicules des CNS empêchant les manifestants d'avancer. La marche a été dispersée par des tirs de gaz lacrymogènes. Après des escarmouches près du CHU de la ville, le calme est revenu avant que les affrontements ne reprennent en milieu d'après-midi, au carrefour du 20 Avril, à la Nouvelle-Ville. «Le 20 Avril est une date symbole des luttes estudiantines pour la démocratie et l'amazighité. C'est un acquis arraché après des années de lutte et de sacrifices. Ce ne sont pas des policiers qui vont nous empêcher aujourd'hui de marcher», dit un étudiant à la fin de l'action de protestation d'hier, où l'on n'a pas relevé d'arrestation ni de blessé. Pour rappel, lors de la manifestation réprimée de dimanche dernier, une vingtaine de manifestants avaient été interpellés par les services de sécurité puis relâchés quelques heures plus tard, après vérification de leur identité. En outre, des sources au CHU Nedir Mohamed nous ont indiqué qu'une soixantaine de blessés ont été enregistrés ce jour-là parmi les protestataires et les policiers. La plupart des blessés ont quitté l'hôpital le même jour, ajoute notre source. Ali B., 24 ans, blessé au cours des échauffourées de dimanche, livre son témoignage : «Je travaille dans une cafétéria située près de l'entrée du campus universitaire. Nous avons baissé rideau au début des affrontements. Voulant nous réfugier à l'intérieur du magasin, j'ai demandé aux policiers de me laisser entrer. L'un d'eux m'a asséné un coup de matraque sur la tête. Je me suis évanoui un moment. J'ai perdu beaucoup de sang. Un ami est venu me secourir. Il m'a accompagné jusqu'au CHU où j'ai reçu les premiers soins. Il a fallu 15 points de suture pour refermer la plaie.» Au lendemain de la violente répression de dimanche dernier, les autorités de wilaya ont réagi, dans un communiqué parvenu à notre bureau : «Cette supposée interdiction ne pouvait être le fait des autorités de wilaya qui ont la profonde conviction que les revendications liées à l'histoire, au patrimoine, à la culture, à l'identité nationale et à la langue amazighe doivent être soutenues et accompagnées. Le musellement de l'expression de telles revendications légitimes relève d'une autre époque, une époque révolue.» Si ce n'est pas la wilaya, qui a donc donné l'ordre de réprimer cette marche pacifique ? Pour les autorités de la wilaya, le coupable est vite désigné. Elles n'hésitent pas à rejeter la responsabilité des débordements sur les manifestants : «Plusieurs itinéraires ont été proposés par des groupes de marcheurs, qui n'ont pas pu s'entendre sur le choix du parcours. Les dissensions entre marcheurs ont provoqué hélas la confusion et ont échauffé les esprits», déclare l'administration de wilaya, qui ajoute : «Certaines personnes, mues probablement par des intentions inavouées, ont eu des comportements intempestifs, allant jusqu'à jeter des pierres sur des agents de l'ordre public qui avaient pour seule mission d'encadrer la marche, de la sécuriser et non l'empêcher.» Cette version contradictoire des événements, où l'administration de wilaya se démarque de la répression de la manifestation avant de rejeter la responsabilité des incidents sur les manifestants eux-mêmes, a été dénoncée par les anciens animateurs du MCB, qui étaient parmi les initiateurs de la marche de dimanche. Ces anciens militants de la cause identitaire étaient réunis, en fin de journée d'hier, pour décider des actions à mener pour protester contre la répression et réitérer la revendication de l'officialisation de la langue amazighe.