Une course féroce aux postes et aux privilèges opposant les soutiens au 4e mandat de Bouteflika devrait agiter le sérail dans les prochains jours. La déclaration du secrétaire général du FLN, Amar Saadani, réclamant le poste de Premier ministre pour son parti de par sa qualité de première formation politique issue des dernières élections législatives, et donc la possibilité d'avoir une voix prépondérante dans la formation du nouveau gouvernement, donne une idée sur la course féroce aux postes et aux privilèges de la part des soutiens au 4e mandat de Bouteflika qui va agiter le sérail dans les prochains jours.Le SG du FLN n'a fait qu'exprimer tout haut les attentes des formations politiques, associations et autres soutiens qui se sont investis dans la campagne électorale au profit de Bouteflika. Ce renvoi d'ascenseur devra se décliner en deux temps. Il y a d'abord l'agenda de la formation d'un nouveau gouvernement auquel Bouteflika devra s'atteler dans les prochains jours, après la validation, hier, des résultats du scrutin du 17 avril par le Conseil constitutionnel, sans doute en concertation avec les forces dans les sphères décisionnelles qui ont aidé à sa reconduction. Dans le même sillage, il est également attendu de Bouteflika qu'il lève l'hypothèque sur le mouvement diplomatique gelé depuis longtemps ainsi que sur les nominations aux postes supérieurs dans les institutions de l'Etat, les collectivités locales, les organismes publics pour récompenser des personnes qui ont soutenu et œuvré à sa réélection ou qui seront recommandées par des réseaux d'influence gravitant autour du clan présidentiel. A l'inverse, il faudra s'attendre à un grand coup de balai à l'encontre de tous ceux qui se sont dressés sur le chemin du 4e mandat. La question qui se pose est de savoir s'il y aura suffisamment de postes pour caser toute la clientèle du pouvoir face aux appétits voraces et aux ambitions démesurées des uns et des autres. L'image d'union sacrée scellée autour du soutien à la candidature de Bouteflika relève désormais du passé. Chaque parti, chaque personnalité s'attellera à en tirer le plus de bénéfices personnels des prébendes et gestes présidentiels. Qui pour des marchés et autres privilèges, qui pour des postes de responsabilité. Pour beaucoup – ministres, hauts gradés dans la hiérarchie militaire, dans les corps constitués, au niveau de l'appareil diplomatique, dans toutes les sphères du pouvoir – leur reconduction à leurs postes signifie, en plus de la jouissance de l'exercice du pouvoir, la garantie d'une immunité et d'une protection. Les dossiers brûlants impliquant des personnalités proches du clan présidentiel, dont les médias se sont fait l'écho, seront remisés au placard. Mais c'est compter sans cette arme redoutable que constituent les réseaux sociaux, la mobilisation citoyenne ainsi que l'apport précieux des juridictions et de la presse étrangères contre lesquels la censure officielle ne pourra rien. La course aux postes et aux privilèges Dans cette grande kermesse qui s'ouvrira avec les nominations aux différents postes institutionnels et autres, des frictions ne sont pas à exclure au niveau des récipiendaires sur les choix que Bouteflika ou ses mandants seront appelés à faire. On se souvient comment Bouteflika avait pris tout son temps – près de 6 mois – pour former son gouvernement après le départ de Ouyahia de l'Exécutif. Sa maladie, qui le rend inapte à la décision et aux arbitrages difficiles du système propre à cette conjoncture politique particulière, devra encore compliquer davantage la tâche au pouvoir parallèle, dominé par des clans auquel il sera fatalement amené à déléguer ses prérogatives. Mais le défi le plus important qui attend le système demeure bien évidemment la succession à Bouteflika, qui est désormais inscrite sur les tablettes du pouvoir. Le pouvoir devra se préparer à tous les scénarios : une gouvernance par procuration qui impose une révision de la Constitution pour la création d'un poste de vice-Président, des élections présidentielles anticipées en cas de vacance de pouvoir pour une raison ou une autre, ou encore le scénario de l'alternance par la rue. On a du mal à imaginer que pour tous ces facteurs, conséquence de l'état de santé de Bouteflika, la course à la succession n'est pas déjà ouverte dans les arcanes du pouvoir. Les personnalités qui ont fait la campagne de Bouteflika – Sellal, Ouyahia, Belkhadem, Bensalah, lesquels se considèrent comme les héritiers naturels du trône – vont se mettre en situation et se projeter dans cette perspective. La bataille promet d'être rude et sans concession. D'autant que derrière l'habit apparent d'hommes du Président, ces personnalités sont connues pour avoir des attaches partisanes ou avec des clans et des sphères influentes du pouvoir civil et militaire. Face à ces candidats proches de Bouteflika, des personnalités en dehors du système, dans l'opposition ou parmi d'anciens hauts responsables ayant eu à exercer des responsabilités gouvernementales, sont également en mode veille, prêtes à basculer à tout moment en mode «on». Avec un tel cocktail explosif, le credo de la stabilité sous le signe duquel avait été placée la candidature de Bouteflika risque de précipiter l'Algérie dans l'inconnu.