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Il était une fois bleu, beur, ber...
Zineddine Zidane. Footballeur professionnel
Publié dans El Watan le 19 - 08 - 2004

Plusieurs médias de l'Hexagone ont tourné la page Zidane au lendemain de l'annonce de son retrait de l'équipe de France. Cette tournure a surpris plus d'un lorsque l'on sait que plusieurs écrits ont laissé planer cette nette impression d'avoir tourné casaque et comme si de rien n'était, Zidane est devenu un footballeur quelconque.
Mémoire courte ou campagne orchestrée, il n'en demeure pas moins que le profil d'une certaine presse était très bas et les plus avertis ne sont pas tombés dans ce ridicule tapage. Un sondage, étrangement très médiatisé, fait ressortir que les Français ne regrettent pas la décision de Zinédine Zidane de mettre un terme à sa carrière internationale. Tiens, tiens ! Zizou n'est plus le chouchou des Bleus ? L'Histoire retiendra que Zidane a marqué de son empreinte le football français. Le reste n'est que littérature. Si l'on doit faire le photomaton du joueur, il serait injuste de parler de Zidane sans reprendre cette fameuse boutade que l'on attribue à l'entraîneur Kermali. « Il est lourd sur le terrain » aurait-il lancé à ceux qui voulaient superviser le joueur pour une éventuelle sélection parmi les Verts. Dès lors, Zidane optera pour la couleur bleu laissant les Verts à leurs hésitations. Il serait injuste aussi de ne pas souligner que Kermali avait démenti l'information, mais allez dire cela à la vox populi convaincue qu'elle était que la sélection nationale a laissé filer un meneur exceptionnel. Les plus avertis diront que Zidane est devenu une star grâce aux moyens de travail dont il disposait. Avantages qu'il n'aurait pas eu en sélection nationale toujours en butte à des interférences. Cela étant dit, retour maintenant sur le mondial espagnol et la première participation algérienne à une Coupe du monde. Les Verts font bonne figure dès l'entame de la compétition en s'imposant devant l'ogre allemand, ce qui leur vaut une popularité sans frontière. Dans les rues de Marseille, pour ne pas déroger à la règle, les jeunes issus de l'immigration algérienne se font une fierté d'arborer leur nationalité d'origine. Parmi eux, un jeune bambin de dix ans ne trouva pas mieux que de se faire passer pour un cousin de Djamel Zidane, le centre avant algérien de la fameuse bande qui émerveilla Gijon. Le bambin de Marseille s'appelait Zidane, il avait des origines algériennes, il avait comme prénom Yazid, on l'appelait Zineddine. Enfin, tout pour que le bambin puisse prouver qu'il est vraiment le cousin du footballeur. Ce bambin de Marseille, on le surnommera un peu plus tard Zizou car celui qui allait devenir l'icône de toute une génération fera un parcours exceptionnel avec la balle au pied. Ses débuts professionnels à Cannes à 16 ans, puis sous le maillot bleu en 1994, il est parti à la conquête de l'univers du ballon rond. Pour l'apprivoiser, pour le maîtriser et, forcément, pour le diriger. Et c'est ainsi que lorsqu'il raccrocha les crampons avec les Bleus en ce début du mois d'août, les fans du football ne manqueront pas de dire que l'équipe de France sans Zizou, c'est comme Paris sans la Tour Eiffel. Une décennie en tant que titulaire au sein de l'équipe de France, cela ne peut s'effacer en un coup de main. Lorsque Zidane annonce sa retraite parmi les Bleus, ses fans se contentent de dire : « Heureusement que nous pourrons encore suivre ses prouesses avec le Real Madrid. » Zidane avait commencé sa carrière internationale en 1994 face à la République tchèque en match amical. Entré en seconde mi-temps alors que la France était menée au score, il avait marqué deux buts en moins de trois minutes et avait ainsi permis à la France de faire match nul. Il marquera deux autres lors de la grande finale du mondial en France face au Brésil. Encore un doublé, en deux minutes, face aux Anglais durant le dernier Euro. Que de doublés, que de buts. Le talent avait rapidement suscité la convoitise des meilleurs clubs européens. ll quittait Bordeaux pour Turin, un club avec lequel il gagnera notamment une Coupe intercontinentale et une Supercoupe d'Europe. Ensuite, transfert au Real Madrid pour devenir le joueur le plus cher de l'histoire du football (75 millions d'euros). Et dès sa première saison en Espagne, Zidane conquiert le titre européen suprême avec le Real en battant en finale de la Ligue des champions le Bayer Leverkusen, une rencontre au cours de laquelle Zidane inscrit le but de la victoire d'une magnifique volée. Les exploits de Zidane sont tellement nombreux, son palmarès tellement riche qu'il sera difficile de les énumérer. Les « socios » du stade Santiago Bernabeu et ses nombreux fans devraient avoir le plaisir de voir évoluer Zidane sous les couleurs du Real Madrid pour deux saisons supplémentaires, le meneur de jeu ayant signé un contrat qui court jusqu'en 2007.
Un Bleu pas comme les autres
L'équipe de France a connu de grands et bons joueurs et chacun d'eux avait su marquer son époque. Il y avait Platini, bien avant lui Fontaine, après lui Papin, mais la star des Bleus demeure inconstestablement Zidane. C'est lui qui a emmené les Tricolors vers la victoire finale en Coupe du monde. Etrangement, il est resté égal à lui-même. Timide, renfermé, la gloire n'a pas pris le dessus sur l'homme. Sa vie était tellement simple qu'il n'y avait presque rien à écrire. Les médias se contenteront de répéter que Zidane demeure la star des Bleus, star du monde, star tout court et que tout a été dit et écrit sur Zinedine Zidane qui, malgré son statut si particulier et la pression écrasante qui l'entoure, reste courtois et simple, aussi bien dans ses rapports avec ses coéquipiers, sous le maillot bleu ou en club, qu'avec la presse et les supporters. Le joueur le plus cher de la planète, le plus adulé aussi, auteur d'une première saison époustouflante au Real Madrid, au point de décrocher le titre de meilleur joueur étranger de la Liga, est un magicien, capable, comme en finale de la Ligue des champions, face au Bayer Leverkusen, de décocher une volée foudroyante en pleine lucarne pour offrir un titre à son équipe. Cela résume la vie d'un footballeur qui ne s'est pas offert des extras pouvant alimenter les colonnes du sensationnel. Zidane s'est totalement consacré au ballon. Avant de devenir star du football, Zidane passera par divers clubs et signe sa première licence dans un club de quartiers. L'US Saint-Henri, une équipe du quartier de la Castellane, à Marseille, sera le berceau footballistique de Zidane qui sera pris en charge par un staff dirigeant bénévole. Abnégation, volonté et conviction meneront Zidane vers une première sélection dans la catégorie des cadets et un quitus pour un stage au niveau d'un centre sportif régional. C'était une première reconnaissance de son talent et le début d'une grande aventure puisque durant ce stage, le jeune Zidane a été repéré par les recruteurs de l'équipe cannoise. Et comme le dit si bien Zidane : « J'étais venu à Cannes pour une semaine, je suis resté six ans. » La séparation avec la famille était difficile mais les parents ont accepté ce sacrifice pour le bien de leur enfant. « C'est à ce moment que j'ai pensé que je pourrai vraiment faire une carrière professionnelle. » Le train était en marche et à seize ans il intégre l'effectif des professionnels pour jouer, une année plus tard, son premier match contre Nantes au stade de La Beaujoire face à l'équipe de Marcel Desailly et Didier Deschamps. « J'avais dix-sept et désormais ma seule passion dans la vie c'était le football », dira Zidane. Première sensation d'être vraiment professionnel ? C'était le jour où il inscrira son premier but en première division contre Nantes. Le président de Cannes, Alain Pedretti, lui avait promis une voiture le jour où il inscrirai son premier but en professionnel. Ce fût une Clio rouge, au cours d'une fête où tous les joueurs de Cannes étaient réunis. Le club se classe quatrième et se qualifie pour la Coupe de l'UEFA. Après la grande virée cannoise, Zidane franchira une autre étape en allant à Bordeaux. C'est Rolland Courbis qui le fera venir aux Girondins pour quatre ans. Bernard Tapie et Marseille étaient aussi sur les rangs mais finalement ils n'ont pas insisté. D'ailleurs, même Zidane s'était promis de ne jamais jouer dans le club du quartier de résidence de ses parents pour éviter tout problème. A vingt ans, c'est donc Bordeaux qui accueille Zidane et le propulse en sélection avec les Bleus. Il s'en souvient : « Le 17 avril 1994 au Parc Lescure, à Bordeaux, je suis sélectionné pour la première fois en équipe de France. Je remplace Corentin Martins à la 63e minute alors que nous sommes menés deux buts à zéro. Je marque les deux buts du match nul. C'est inoubliable. » Et comme c'était sur la lancée, Zidane joue une finale (perdue) de la coupe de l'UEFA face au Bayern de Munich et c'est la Juventus de Turin qui l'engage. Puis tout s'enchaîne. Zidane gagnera des titres, une place de titulaire en équipe de France pour en être le meneur, une Coupe du monde, une Coupe d'Europe, une licence au Real Madrid.... Certains diront que c'est la relève de Platini, d'autres qu'il a réussi plus que Michel. Bref, Zidane ne laissait personne indifférent et les Bleus ne pouvaient plus s'en passer.
Un exemple et non un modèle
Pour beaucoup d'analystes, Zidane n'est pas un modèle d'intégration. Zidane est un exemple pour les footballeurs et uniquement les footballeurs. Ainsi, les sociologues ne manqueront pas de dire que les jeunes de la banlieue ne pensent qu'à la puissance financière que représente Zidane et aux conditions d'existence facile. L'idée, avancée par les politiques, que la star est un exemple « de la méritocratie républicaine » n'a jamais effleuré l'esprit des enfants de l'immigration. Pourtant, l'on reconnaît plus loin que Zidane a réussi un bouleversement dans les mentalités lors de cette folle nuit qui a suivi la finale de la Coupe de monde puisque la fête a autorisé, l'espace d'un instant, à renverser le monde, à rendre visible ce qui ordinairement est interdit, tabou et indicible. D'autres diront que Zidane n'a rien d'un beur. Il est d'origine algérienne certes, mais il est né à Marseille, de nationalité française, marié à une étrangère et ses enfants portent des prénoms européens. Il n'en demeure pas moins que la personnalité de Zidane et sa situation vis-à vis de son pays d'origine ont toujours été au centre des débats lorsqu'il s'agit de situer l'ex-meneur des Bleus. Il se trouve que Zidane parle kabyle à la maison, mais il ne clame pas mille origines. Il est fier d'être Français, il embrasse son maillot, mais n'hésite nullement à se solidariser avec ses origines. Il est présent de par ses multitudes contributions, il forme un bloc avec ses parents lorsqu'il s'agit de la famille et comme le veut la tradition du bled, il n'affiche jamais ses actes de bienfaisance. Zidane, coutume oblige, ne fait jamais la une des magazines et son côté intime est bien sauvegardé. « C'est un beur, mais c'est aussi un ber », disaient de lui ses plus proches amis. Un beur parcequ'il ne s'est jamais mis à l'écart de sa famille, de ses origines et du village de ses parents. Un ber, c'est comme cet anneau solide qui entoure les plus belles choses afin qu'elles ne s'éparpillent pas. Zidane constitue le noyau autour duquel s'est formée sa grande famille et en aucun cas il ne voudrait s'en séparer. « C'est le sang qui parle », diront encore ses proches. Zidane, c'est aussi un père modèle et un fils idéal. Zidane famille, Zidane valeurs. Respect. Zidane, c'est un homme renfermé, timide qui garde toujours la tête froide. Il refuse le scandale comme il évite de prendre des positions qui risquent de froisser. Cet homme n'est capable d'extraordinaire que dans le football.


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