La priorité des priorités sera d'améliorer la situation économique pour la création de richesses et d'emplois pour les jeunes.» Voici donc, résumée, la feuille de route avec des points de suspension du nouvel ex-Premier ministre, Abdelmalek Sellal. Un engagement qui ressemble aux dissertations philosophiques qu'on soumet aux candidats au baccalauréat pour essayer de tirer une substance en mode dialectique. On remarquera, soit dit en passant, que Bouteflika a évoqué une autre priorité, à savoir la «réconciliation nationale»… Avouons tout de même qu'il est difficile de saisir ce «programme» de Sellal décliné sur un air de slogan. D'un Premier ministre, il est en effet attendu un plan de travail rigoureux, soutenu par un chiffrage des dépenses liées à sa concrétisation. C'est un peu comme un entraîneur de foot qui met en place un projet de jeu basé sur des joueurs performants qu'il a sous la main. Mais à ce jeu, Abdelmalek Sellal paraît… hors jeu tant il n'a a priori aucun programme économique viable pour son second magistère. A quelle doctrine économique correspond donc sa mystérieuse promesse d'«améliorer la situation économique pour la création de richesses et d'emplois pour les jeunes» ? Entre les lignes, Sellal fait, sans le vouloir, son propre bilan et celui du Président qui l'a (re)nommé. L'économie algérienne sous Bouteflika est en panne, ne crée pas de richesses et n'offre aucune perspective pour les jeunes. Une réalité bien têtue. C'est le message subliminal qu'on pourrait tirer de ce constat lucide du Premier ministre lâché par inadvertance. C'est à peu près le même diagnostic – plus caustique il est vrai – posé par son prédécesseur, Ahmed Ouyahia, lorsque, en juin 2012, il déclara, cassant : «C'est l'argent sale qui commande en Algérie et il commence à devenir mafieux» (sic). Mais autres temps, autres mœurs. Ce gros pavé dans la mare bien sale du régime d'un Ahmed Ouyahia sur la touche tranche avec son sourire radieux d'avoir retrouvé enfin un maroquin tout près de celui dont il s'interrogeait, à juste titre d'ailleurs, «si un 4e mandat était une bonne chose pour l'Algérie»… Mais passons ; au sérail, on a les convictions qu'on peut, la ligne de conduite politique étant en effet à ce point flottante et élastique. Abdelmalek Sellal, qui ne sait visiblement pas de quoi sera fait demain, a peut-être raison de ne pas trop s'avancer. Il a préféré rester vague sur la thérapie économique idoine compte tenu de l'état de santé du maître d'ouvrage. Mieux vaut donc lancer ce chef-d'œuvre d'imprécision qu'est sa petite phrase censée rasséréner les Algériens. Sauf que, pour le peuple mais surtout les experts du domaine, il n'y a aucune visibilité dans ce barbarisme économique. On est en plein dans le changement dans la continuité. Tout le monde sait que l'économie n'est pas le fort du président Bouteflika. Son bilan tri-quinquennal avec le triumvirat Khelil-Temmar-Benachenhou est un désastre national. La fumeuse loi sur les hydrocarbures constitue, en l'occurrence, la meilleure preuve d'une gestion à la petite semaine des sous et dessous de notre économie. Et avec le même attelage gouvernemental, il est illusoire d'attendre autre chose que la prospérité de l'économie rentière et informelle de surcroît.