Plus de 300 personnes ont fait le déplacement, hier matin à Béjaïa, pour célébrer la Fête du travail qui coïncide avec le 1er mai de chaque année. L'action à laquelle ont appelé le Parti socialiste des travailleurs (PST) et le Collectif des travailleurs de Béjaïa n'a pas drainé que des travailleurs. En plus d'une centaine de ces derniers, des étudiants, des militants de gauche, des syndicalistes relevant de plusieurs secteurs et des chômeurs ont marché ensemble du Théâtre régional (TRB) vers la maison de la culture Taos Amrouche. La foule, scindée en carrés distincts, s'est ébranlée vers 10h du TRB. Consigne a été donnée de progresser lentement tout au long du parcours. Une manière de «donner à l'action plus d'impact», expliquera Kamel Aïssat, responsable local du PST, à deux étudiants qui agitaient une large banderole rouge appelant à «l'union des ouvriers, des étudiants, des paysans, des chômeurs et de tous les opprimés». Des slogans du même contenu ont été entonnés pendant toute la manifestation, dont beaucoup renvoient aux luttes menées par les travailleurs dans le monde, et ceux de l'Algérie en particulier, pour leur affranchissement politique et économique, tels que : «El oumal houma el assas» (les travailleurs, c'est la base), «Les intérêts des ouvriers avant tout». Le tout s'est déroulé sur un fond de chants révolutionnaires, dont l'inévitable Internationale, chantée à répétition dans ses versions arabe et française. Ce n'est que plus d'une heure plus tard que les manifestants ont atteint le point d'arrivée, sur l'esplanade de la maison de la culture Taos Amrouche, où sont encore visibles les traces de violence qui l'ont ciblée à l'occasion d'un meeting de campagne de Abdelmalek Sellal au profit de Bouteflika, il y a plus d'un mois. Cette image de façade calcinée et de vitres réduites en miettes qui s'offre aux yeux servira d'introduction pour beaucoup d'orateurs qui se sont succédé à la tribune. «Les émeutes et l'abstention montrent très bien que la classe ouvrière et les chômeurs refusent la politique libérale menée par le système, nous sommes contre Bouteflika même s'il était en bonne santé et nous sommes contre tous ses mandats», a martelé Mahmoud Rechidi, porte-parole du PST. Et d'argumenter : «Le système ne fait que déstructurer le tissu industriel national au profit des intérêts privés et des multinationales. Ce n'est pas ce qu'auraient voulu nos valeureux martyrs qui se sont sacrifiés pour arracher le pays aux mains de l'impérialisme.» L'opposition, qui appelle à une «transition», en a eu pour son grade, elle aussi, de la part du militant d'extrême gauche qui demande pour sa part une «convergence des luttes contre le libéralisme et le capitalisme». «L'opposition libérale à l'image de Benflis, ou réformiste à l'image de Hanoune, n'a pas réussi à incarner une alternative pour les masses populaires.» Faisant appel à la théorie de la lutte des classes, Mahmoud Rechidi met à nu les politiques menées depuis 20 ans en Algérie. C'est le cas, selon lui, des résultats des dernières tripartites. «Le patronat s'en est sorti plus que jamais fort des dernières tripartites, avec l'intronisation des CDD (contrats à durée déterminée), le pré-emploi et la précarité du travail qu'il engendre, l'article 87 bis que le gouvernement dit avoir consacré sous la pression des institutions internationales», analyse l'orateur, qui, selon lui, «le monde entier souffre des affres du libéralisme, c'est pour cela qu'il faut renforcer les entreprises nationales publiques». Dans le même ordre d'idées, des travailleurs recrutés dans le cadre du pré-emploi ont pris la parole pour dénoncer «la politique de recrutement par le biais des dispositifs d'insertion qui ne sert que les patrons».