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Sahara occidental, le tournant ?
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Publié dans El Watan le 07 - 05 - 2014

Avec l'adoption de la résolution 2152 du Conseil de sécurité, qui, faut-il insister, a ignoré royalement, d'une part, les appels répétés de détresse des habitants des zones occupées de la RASD et des organisations des droits de l'homme de voir le mandat de la Mission des Nations unies élargi inclure la défense des droits des Sahraouis contre les forces de l'occupation marocaine, et d'autre part, l'espoir du peuple sahraoui de préserver ses richesses du pillage, l'on peut dire que ce qu'il a été convenu d'appeler, abusivement, le processus de paix au Sahara occidental a vécu.
Ce n'est désormais qu'un slogan creux, voire une imposture langagière qui ne convainc plus personne. Le Maroc, plus édifié que les Sahraouis sur la réalité et la nature des relations internationales (un champ clos d'affrontement permanent entre puissants, où les faibles n'ont pas voix au chapitre), a su utiliser à son avantage notre naïveté et la confiance, exagérée et non justifiée, que nous avons placée dans certaines puissances occidentales et organisations internationales pour nous aider à recouvrer nos droits. En convainquant ses alliés traditionnels, en particulier la France et l'Espagne, que l'organisation d'un référendum au Sahara occidental engendrerait, immanquablement, une déstabilisation généralisée du royaume, il a réussi, progressivement, avec le soutien actif de ces mêmes pays, à vider le plan de paix de sa substance, en le réduisant à la seule clause du cessez-le-feu.
Et il ne s'est pas contenté, par la suite, de ce tour de force, pourtant jugé décisif, il a investi son énergie et ses moyens pour substituer au plan de paix onusien, dont la base est le droit imprescriptible du peuple sahraoui à l'autodétermination, une forme de solution bâtarde, l'autonomie, qui devrait lui procurer, si on n'y prend garde, entre autres avantages, l'extraordinaire possibilité d'une «sortie légale de la légalité». Progressivement et d'une manière insidieuse, dans les résolutions des organisations internationales, notamment celles du Conseil de sécurité et de l'Assemblée générale des Nations unies, l'organisation du référendum d'autodétermination du peuple du Sahara occidental semble n'être plus qu'un objectif prioritaire, comme en 1991, des efforts de la communauté internationale.
Ainsi, il n'est plus question dans la littérature des organisations internationales que d'une «solution mutuellement acceptable par les deux parties». Ce qui laisse clairement entendre que le bourreau et sa victime sont, dorénavant, placés sur un pied d'égalité et considérés, de manière indifférenciée, comme les «deux parties prenantes au conflit». Dès lors, la préoccupation de la communauté internationale ne consiste plus à essayer d'imposer le droit, mais de composer avec le droit de la force dont se prévaut l'occupant marocain. Autrement dit, il n'est plus question d'amener l'occupant marocain à s'engager dans le processus de décolonisation, mais plutôt les «deux parties, le Front Polisario et le royaume chérifien» à trouver un «compromis satisfaisant».
Et puisque ces démarches ont pour cadre le domaine des relations internationales, il est plus aisé pour la communauté internationale, ou plus précisément pour la France, «la puissance maghrébine» d'obliger la victime, en l'occurrence le peuple sahraoui, à ne plus se plaindre du traitement de son bourreau et à accepter, stabilité et pérennité de la monarchie obligent, ce que voudrait bien lui offrir son bourreau marocain. Et le procédé «légal» pour arranger «légalement», tout cela sont de prétendues négociations tout aussi «bidon» qu'infructueuses. Il est grand temps de dire haut et fort que cette farce a trop duré.
Les Sahraouis doivent réaliser, désormais, que leur avenir et leur chance de pouvoir vivre un jour en hommes libres et dignes, dans la région du nord-ouest de l'Afrique, dépendent essentiellement de leur capacité à se mobiliser pour imposer leur Etat national sur l'étendue de leur territoire. Hors de cette possibilité, point de salut, ni pour eux ni pour leurs enfants. Et pour réussir ce pari vital, il leur faut emprunter d'autres chemins que ceux parcourus depuis 1991, changer leur manière de faire la politique, accorder une place privilégiée à la jeunesse et investir dans l'édification et la consolidation d'institutions nationales, seules à même de leur permettre de réaliser ce qui devrait être leur seul et unique objectif : l'indépendance de leur pays. Alors, les Sahraouis sont-ils disposés à prendre ce tournant ? Qu'ils le veuillent ou non, leur futur et celui de leur progéniture est pourtant à ce prix.
Car nous ne devons plus oublier que depuis son déploiement en 1991 sur le territoire du Sahara occidental, qui a été soigneusement médiatisé par le mandat qu'elle avait de la part du Conseil de sécurité, le pressant de conduire à la liberté, le seul résultat, sûr et vérifiable, dont la Minurso pourrait, décidément, se prévaloir, après 23 ans de présence dans la région, est qu'elle a largement contribué à «pourrir» la situation dans le territoire sahraoui et discréditer, de manière irréversible, les Nations unies aux yeux d'un peuple qui fondait, jusqu'à tout récemment, de grands espoirs sur sa capacité à le restaurer dans ses droits.
En clair, la Minurso a piteusement failli à sa mission. Couchée devant la puissance coloniale marocaine et soumise à ses ordres, elle s'est montrée lamentablement impuissante à honorer ses engagements et à organiser le référendum d'autodétermination qui devrait, dans les mois qui ont suivi son déploiement dans l'ex-colonie espagnole, donner la possibilité au peuple sahraoui de disposer librement de son devenir.
Plus grave, la Minurso, qui s'est détournée de sa mission première qui est d'aider au parachèvement de la décolonisation du Sahara occidental, dernière colonie en Afrique, s'est muée, avec les années, en force auxiliaire qui seconde l'armée marocaine dans ses tâches quotidiennes de maintien de l'ordre colonial. N'ayant plus d'ambition ou de tâche précise à part celle d'aider l'occupant colonial marocain à neutraliser les combattants sahraouis, et partant obliger progressivement le peuple sahraoui à accepter le fait accompli que les autorités veulent lui imposer, la Minurso est devenue, c'est un constat qui participe de l'évidence pour tous les observateurs vigilants du dossier sahraoui, un insupportable fardeau pour la communauté internationale et pour les Sahraouis.
Refusant catégoriquement de prendre en charge, comme l'y invitent régulièrement et de manière urgente, de nombreuses organisations humanitaires et des droits de l'homme, la défense de milliers de civils sahraouis, objets constants de l'arbitraire du makhzen, la Minurso, qui a perdu toute utilité, n'a plus rien à faire au Sahara occidental.
Dans l'intérêt des Sahraouis et de ses propres promoteurs, elle doit, au plus vite, se ressaisir ou quitter le territoire. Après tout, comment accepter que les forces chargent régulièrement, avec une violence et une sauvagerie indescriptibles devant ses responsables et ses sièges dans les différentes régions du Sahara occidental occupé, des pacifistes qui ne demandent que l'organisation du référendum qui est en fait la raison de son existence et de sa présence dans le territoire ? Pour bâillonner les Sahraouis, les empêcher de crier leur ras-le-bol de la présence coloniale marocaine et empêcher la communauté internationale d'être au fait de l'ampleur de leurs souffrances et de leur endurance, le pouvoir marocain ne lésine pas, ces derniers temps, sur l'importance des moyens à utiliser. Et comme d'habitude, les dégâts collatéraux ont été nombreux et graves.
Objet quotidien de toutes les formes de vexation et d'humiliation de la part des forces d'occupation marocaines, les Sahraouis, meurtris, ne peuvent plus ne pas s'interroger, dorénavant, sur l'utilité et l'efficacité de la stratégie de résistance pacifique privilégiée jusqu'ici.
Ils ne peuvent plus ne pas se demander, à présent, jusqu'à quand ils peuvent encore accepter de continuer d'opposer, à la violence et à la barbarie aveugles d'un makhzen assuré de l'impunité, leurs seuls cris de révolte et de détresse. Ils ne peuvent plus ne pas se demander, face à l'indifférence de la communauté internationale, jusqu'à quand ils peuvent encore résister à la tentation d'user, face à la sauvagerie du pouvoir marocain et de ses forces de sécurité, de la violence légitime pour se défendre, défendre leurs enfants, leurs familles, leurs propriétés et leurs biens.
Excédés et déçus par le peu d'intérêt témoigné par la communauté internationale à leur opiniâtre, courageuse et difficile résistance pacifique, les Sahraouis ne peuvent plus, désormais, faire l'économie d'une profonde réflexion sur le bienfondé de leur stratégie pacifique. Devant les affligeants et répétitifs spectacles d'épouses et de sœurs violées, de frères ou d'amis régulièrement massacrés, gravement blessés ou injustement embastillés par les Groupements urbains de sécurité (GUS), les Sahraouis semblent de plus en plus convaincus que les moyens pacifiques n'ont pas été d'une grande utilité face aux capacités destructives de l'appareil de répression marocain.
En tout cas, ces moyens pacifiques n'ont pas empêché les autorités marocaines de quadriller l'ensemble des zones occupées de la République arabe sahraouie démocratique et de les soumettre à un régime de non-droit qui a favorisé tous les dépassements et dérapages. Le colonialisme, disait le général Giap, est un mauvais élève qui ne retient aucune leçon de l'histoire. Le colonialisme marocain est non seulement un mauvais élève, les 30 dernières années nous l'ont amplement montré, mais aussi et surtout un élève cynique, mal élevé, peu respectueux des autres et habitué à ne craindre que ceux et celles qui se montrent prêts à lui opposer une réelle détermination dans la défense de leurs droits et de leur liberté.
Conforté dans son intransigeance par les gouvernements successifs français et le parti socialiste ouvrier espagnol qui leur doivent, ne l'oublions pas, leur arrivée au pouvoir, le royaume du Maroc est en train d'«expérimenter au Sahara occidental une politique coloniale caractérisée qui mine la stabilité et la paix dans la région et sème la haine et la discorde entre ses peuples. Peuple que tout unit pourtant : la religion, l'histoire, la géographie, la langue, la culture...
Jusqu'à quand les peuples du nord-ouest de l'Afrique doivent-ils subir dans la résignation les caprices et les pratiques humiliantes de la famille royale marocaine et accepter, sans broncher, de subir les conséquences désastreuses de sa politique du pire avec le risque désormais sérieux de perdre leur dignité et leur honneur ?


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