Décédé le 17 avril dernier, Gabriel Garcia Marquez a laissé une œuvre qui a profondément marqué la littérature mondiale. En Algérie, son œuvre a de tout temps séduit les lecteurs. La table ronde organisée mardi dernier par l'Institut Cervantès d'Alger a confirmé l'intérêt des Algériens pour le romancier colombien. En effet, la salle était largement remplie entre journalistes, critiques et amoureux des belles lettres. Gabo, comme on le surnomme en Amérique latine, est un auteur qui nous ressemble. Et pas seulement de cette ressemblance physique qui lui a valu d'être tabassé par les policiers parisiens durant les manifestations du 11 décembre 1960 (lire «Un Colombien vaut bien un Algérien» d'A. Ferhani dans El Watan du 19/04/2014). Sur le plan littéraire, l'œuvre de Marquez a exercé une influence notable sur les écrivains algériens. Son empreinte est visible, par exemple, dans l'œuvre de Rachid Mimouni, et Rachid Boudjedra y fait clairement allusion dans son roman Mille et unes années de nostalgie. Tout comme Kateb Yacine, Gabriel Garcia Marquez a été profondément marqué par l'œuvre de William Faulkner qu'il s'emploiera à dépasser en replongeant dans le patrimoine culturel populaire de la Colombie et des Caraïbes. En effet, l'écrivain a été bercé par les mythes et légendes indiens grâce à sa grand-mère Tranquilina Iguarán Cotes, dont il reçut sa première éducation. Cette alliance entre une écriture des plus novatrices et une inspiration ancestrale ne pouvait que séduire les auteurs algériens en quête d'un roman libéré du rationalisme étriqué. Le poète et chargé d'études à l'Institut Cervantès, Juan Vicente Piqueras, rappellera cette vérité toute simple mais souvent oubliée : «Dans le mot originalité, il y a origine». Celle des romans de Marquez est, selon lui, fortement liée à son ancrage dans l'histoire et la mythologie des Caraïbes. En outre, ses romans sont truffés de références à sa propre famille. L'amour aux temps du choléra est une adaptation de l'idylle contrariée de ses parents et son colonel de grand-père a inspiré nombre de ses personnages. L'autre aspect qui rapproche l'œuvre de Marquez de la littérature algérienne est sa dimension politique. Raquel Romero, directrice de l'Institut Cervantès d'Alger, rappellera que l'œuvre préférée de Marquez n'était pas Cent ans de solitude, qui lui a valu le prix Nobel et «l'enfer de la célébrité», mais l'Automne du patriarche, grand roman sur le mythe du dictateur narrant le lent crépuscule du «Général» qui hante tellement les esprits de son entourage et de son peuple qu'il n'a même plus besoin d'être vivant pour diriger. Le romancier et traducteur, Mohamed Sari, soulignera toutefois que politique et poétique ne s'opposent jamais chez Marquez. En effet, en plus de sa charge politique, L'automne du patriarche se caractérise également par son audace stylistique et la frontière poreuse entre mythe et réalité. Enfin, Gabriel Garcia Marquez a réalisé l'idéal de nombre de nos écrivains en laissant une œuvre qui, selon le témoignage d'Alfonso Soria Mendoza, chargé d'affaires à l'ambassade de Colombie, parle à tous ses compatriotes.