Les différents acteurs politiques doutent des intentions du pouvoir qu'ils soupçonnent de vouloir manœuvrer pour gagner du temps. Quelle Constitution et quel régime sera-t-il instauré en Algérie ? C'est la question que se posent, aujourd'hui, les acteurs politiques, les constitutionnalistes et le mouvement associatif. A quelques semaines du début des nouvelles consultations politiques sur la révision de la Loi fondamentale du pays, l'attente et le scepticisme sont au rendez-vous. Tout le monde attend de découvrir le contenu des conclusions de la commission d'experts chargée, en 2013, par le président Bouteflika d'élaborer la mouture finale de la nouvelle Constitution. Une mouture finalisée en décembre 2013 qui devient, après la dernière présidentielle, une simple proposition du pouvoir à la classe politique nationale qui sera, selon le communiqué du dernier Conseil des ministres, appelée à l'enrichir. Elle devra d'ailleurs être transmise à tous les partis et associations dans les prochains jours (elle sera envoyée à la mi-mai, précise le communiqué du Conseil des ministres). Cette mouture préparée par la commission Azzouz Kardoune porte, selon la même source, sur la séparation et l'équilibre des pouvoirs. Mais en attendant de connaître les conclusions de cette instance, les différents acteurs politiques et responsables des partis de l'opposition se montrent sceptiques. Ils doutent des intentions du pouvoir, soupçonné de manœuvrer pour gagner encore du temps. «Il est parfaitement inutile de répondre à l'invitation du pouvoir pour des consultations concernant la révision de la Constitution. La Loi fondamentale étant constamment violée, c'est la nature même du pouvoir qui est en cause et non la Constitution», écrit Abdeslam Ali Rachedi, ancien député et président du parti non agréé Essabil, dans un commentaire publié hier sur sa page facebook. Il résume ainsi les appréhensions de la classe politique qui garde de plus en plus ses distances avec le régime même… s'il promet, au lendemain de la validation du quatrième mandat du président Bouteflika, «une Constitution consensuelle» avec «une place de choix» à l'opposition. Et cela après quinze ans de pouvoir sans partage et des dégâts incommensurables au sein de cette même opposition convoitée aujourd'hui. C'est pourquoi, les débats autours de la Constitution ne concernent toujours pas son contenu, mais l'arrière-pensée du régime initiateur de cette démarche. «Il est clair aujourd'hui que ce pouvoir a «définitivement» opté pour le statu quo et ses propositions de réforme ne sont qu'un leurre destiné à consolider ses acquis et présenter une façade acceptable à l'étranger», ajoute encore Abdeslam Ali Rachedi. Qu'est-ce qui justifie ces craintes ? Plusieurs facteurs en fait. D'abord, la Constitution algérienne a été, de l'avis de plusieurs constitutionnalistes, malmenée ces dernières années. Le pouvoir qui, dit-on, prévoit le retour à la limitation des mandats présidentiels à deux «pour respecter l'alternance au pouvoir», ne s'est pas gêné pour triturer, en 2008, la Constitution pour faire sauter le verrou de l'article 74 qui avait consacré cette option qualifiée, à l'époque, d'«antidémocratique par les proches du clan présidentiel». Outre l'institutionnalisation du mandat à vie, l'actuel Président a concentré tous les pouvoirs entre ses mains, anéantissant ainsi tous les contrepouvoirs : un Parlement aux prérogatives limitées, une justice dépendante et des organes de contrôle «sans vie». Cette pratique fait dire aux constitutionnalistes que l'Algérie n'a pas un régime présidentiel mais «présidentialiste», d'autant que le chef de l'Etat incarne tous les pouvoirs. Comment réparer alors, aujourd'hui, ces dégâts ?