-Selon vous, quelles seront les principales destinations touristiques des Algériens cette année ? Je pense que la configuration du marché émetteur restera la même que celle de l'année passée avec, et par ordre de priorité, la Tunisie, la Turquie, le Maroc et Dubai, ainsi que le domestique. -Le tourisme domestique, malgré un discours ministériel plutôt encourageant, tarde à décoller. Quelles sont les raisons ? Il faut des études approfondies à réaliser par des experts de haut niveau pour répondre à cette question qui est elle-même le prélude à toute une stratégie à construire. Toutefois, c'est vrai que le discours du gouvernement, au moins ces 4 dernières années, encourage le tourisme domestique, mais il reste au niveau de la volonté exprimée qui attend d être mise en route par des stratégies et des programmes bien définis et chiffrés. Les politiques doivent œuvrer pour la construction d'une destination concurrentielle par rapport aux autres destinations. La veille des fêtes du nouvel an, l'ONAT, qui a bénéficié d'énormes aides de l'Etat pour faire décoller la destination Algérie, a mis le paquet pour commercialiser le Sud à nos compatriotes. Au final, ce sont 100 séjours vendus à des œuvres sociales. Aujourd'hui, la veille des vacances d'été et alors que des millions d'Algériens partent ailleurs pour profiter de la mer, point d'actions commerciales agressives de la part de l'ONAT. Le tourisme est un business et il s'accommode mal de la gestion administrative. Une offre doit répondre à une demande, la politique d'offre doit se construire sur la base d'une étude de la demande. Seule une politique de développement de la destination Algérie basée sur l'avantage de différenciation pour le Sud et l'avantage concurrentiel pour le Nord est à même de développer notre tourisme. Notre arme pour porter des coups à la concurrence sera non pas le schéma de développement touristique, le Touring Operator public devenu budgétivore, le plan qualité tourisme qui est en train de devenir un scandale, mais bien l'hôtelier et l'agent de voyage algériens. Le jour où le client de la destination Algérie trouvera une offre au meilleur rapport qualité / prix, bien promue par un ONT réformé et commercialisée par une agence de voyages réformée et placée au cœur du développement touristique national, ce jour-là, notre économie touristique décollera. -Quels sont les principaux canaux de distribution des voyages en Algérie ? La distribution est l'un de nos points faibles. Partout dans le monde, l'agence de voyages est le pilier de la politique de distribution des voyages. Chez nous, cette agence de voyages fait le bonheur de toutes les destinations sauf celle de l'Algérie. Pour le marché domestique, la distribution se fait, globalement, directement, soit du producteur au touriste. Rares sont les hôtels ou les propriétaires d'appartement qui concèdent aux agences de voyages des cotations. Même l'ONAT, le Tour Opérateur public censé promouvoir la destination Algérie est incapable de promouvoir une relation gagnant – gagnant avec les agences de voyages de droit privé, soit 99% du parc. Pour le marché émetteur, l'agence de voyages classique reste le canal de distribution le plus utilisé. Ici, la distribution est très efficace en organisation et en objectifs. Aujourd'hui, nous avons des tours opérateurs algériens qui ont leurs propres packages qu'ils commercialisent directement et aussi grâce au réseau des agences de voyages. Le e-voyage essaie de se faire une place, mais cela traîne. Je dirais malheureusement et heureusement à la fois. Malheureusement car ce sont des opportunités de marché de perdues et heureusement car le consommateur risque de se retrouver sans armes pour défendre ses droits tant que le e-voyage tarde à être réglementé chez nous. Plus de la moitié des Algériens recourent à l'Internet pour choisir leur destination et comparent les produits. En effet, même si le client potentiel réserve et achète dans une agence classique, il recourt à Internet pour s'informer sur les circuits et l'hôtel proposé. -Les agences de voyages continuent d'axer leurs activités sur la billetterie, l'émission, le hadj et la omra. Pourquoi et y a-t-il des chances pour inverser la tendance ? Le fait que près de 90% des activités des agences de voyages algériennes soient liées à la billetterie et à la Omra n'a rien de scandaleux ou d'anti-économique. Une agence de voyages qui axe près de 60% de son activité sur la billetterie est une chose normale, qui découle de la nature même de l'activité. En France, première destination mondiale, près de 70% du chiffre d'affaires des agences de voyages est lié à la billetterie. Une agence de voyages, dans un pays du tiers monde, qui axe près de 30% de son activité sur la Omra n'a rien de problématique. C'est une offre qui répond à une demande réelle et solvable. Certains sont choqués du fait qu'une agence de voyages fait dans le tourisme religieux alors que la première agence de voyages créée dans le monde l'a été par un religieux, Thomas Cook en l'occurrence, et le premier voyage organisé avait des motivations religieuses. Je pense que s'il y a scandale, il découle du fait que ce sont les affaires religieuses qui gèrent une activité à 90% touristique qu'est El hadj et El omra. Pour revenir à votre question, je pense que l'objectif d'une politique touristique intelligente n'est pas d'inverser cette tendance mais de faire profiter la destination Algérie de la force de vente qu'est l'agence de voyages algérienne, qui a vulgarisé et démocratisé des destinations comme la omra, la Tunisie, la Turquie, … Les pistes d'une telle politique sont le calendrier des vacances scolaires, la gestion douteuse des vacances par les œuvres sociales, la fin de la mascarade liée au plan qualité-tourisme et la réforme des textes relatifs aux agences de voyages. La véritable force de vente de la destination Tunisie, Dubai, Turquie, Maroc, ... est l'agence de voyages algérienne de droit privé. Le défi du gouvernement est de mettre cette agence de voyages algérienne de droit privé au cœur de la commercialisation de la destination Algérie. L'objectif à court terme est de rendre la commercialisation de la destination Algérie économiquement rentable et fiscalement non suicidaire. Le recours continu à une politique de promotion obsolète ne va pas arranger les choses. Alors que l'ONT Tunisie réunit au moins deux fois par an les agences de voyages algériennes, qui des chefs de ces 1000 agents de voyages connaît le nom du DG de l'ONT Algérie ? Au moment où, pour le secteur du tourisme, les faiseurs d'opinion sont sur les réseaux sociaux, on continue à placer l'essentiel du budget de promotion dans les salons et autres foires.