La coopération militaire, la crise malienne et le chaos libyen étaient au cœur des entretiens entre les responsables algériens et le ministre français de la Défense, Jean-Yves Le Drian, en visite de travail à Alger. Dès son arrivée, hier matin, M. Le Drian s'est longuement entretenu avec le vice-ministre de la Défense nationale, le général Ahmed Gaïd Salah, sur l'état des relations et de «la coopération militaire bilatérale» et «la recherche des voies et moyens susceptibles de les consolider et les diversifier», a souligné un court communiqué du MDN. Dans le domaine militaire, Alger et Paris ont souvent loué le niveau «bon et élevé» de la coopération militaire. Les discussions entre MM. Gaïd Salah et Le Drian étaient empreintes de franchise et de transparence, à en croire des sources concordantes. Une fois la traditionnelle question de la formation militaire rapidement évacuée tant elle ne bute sur aucune divergence, il était surtout question du renforcement de la collaboration en matière d'échange de renseignements, qui demeure l'épine dorsale de la lutte antiterroriste. Dans ce domaine et pour des raisons évidentes, notamment depuis l'éclatement de la crise malienne et les menaces que font peser les groupes djihadistes, les armées des deux pays ont intensifié leur collaboration. L'élimination d'un groupe terroriste par l'armée algérienne, la semaine dernière, chassé de la région des Ifoghas par les soldats français déployés au nord du Mali, pourrait bien être le fruit d'une coordination. Cependant, l'aggravation de la situation nécessiterait sans nul doute de relever le degré de l'échange de renseignements. La France, avec une forte présence militaire dans la bande sahélienne, «apprécierait» un effort de guerre supplémentaire de la part de l'Algérie. «L'Algérie et la France ont des défis communs à relever pour leur sécurité», a déclaré le ministre français de la Défense, hier, dans une interview à El Watan. M. Le Drian souhaite faire de son escale à Alger une visite qui devrait «permettre d'aller plus loin au service de la sécurité collective». En décodé, Paris, qui a annoncé hier qu'elle reportait de «quelques semaines» le redéploiement prévu de son dispositif militaire au Sahel – prolongeant d'autant l'opération Serval au Mali où de nouvelles violences ont éclaté ce week-end dans le Nord – a sans doute sollicité l'appui de l'Algérie en matière militaire et diplomatique pour aboutir à une stabilisation définitive de ce pays. Cette perspective, qui passerait par un «dialogue politique» et une «réconciliation», est partagée par les deux pays. M. Le Drian aura certainement profité de sa rencontre avec le Premier ministre, Abdelmalek Sellal, pour convaincre l'Algérie de la nécessité de s'impliquer davantage dans le règlement de la crise malienne. Une urgence tant, à l'Ouest, la menace libyenne va grandissant dans ce pays livré à des milices armées rivales. Ouverte aux quatre vents, la Libye est installée dans un chaos qui risque de déstabiliser toute la région. L'Algérie et la France n'excluent pas que des initiatives «diplomatiques» communes soient prises prochainement. Agir de concert et de manière forte. Militairement, l'Algérie a déployé des contingents de militaires pour sécuriser un tant soit peu les frontières. En somme, avant de quitter Alger ce matin, M. Le Drian veut s'assurer d'une implication forte et du soutien de l'Algérie. Sa cause a-t-elle été entendue ? Probablement. La France, qui développe une «conception régionale du contre-terrorisme» souhaiterait fortement voir l'Algérie adhérer, à sa manière, à cette nouvelle doctrine.