Le procès du journaliste marocain Ali Anouzla, directeur du journal électronique Lakome (version arabophone), qui devait reprendre mardi dernier pour une sixième audience, a été reporté sine die, selon des informations parvenues à l'APS auprès du Comité national pour la liberté de Ali Anouzla. M. Anouzla a été arrêté le 17 septembre 2013, à Rabat, pour avoir publié sur la version arabophone de Lakome, qu'il dirige, un lien vers une vidéo d'Al Qaîda au Maghreb islamique (AQMI), appelant au djihad et fustigeant la monarchie marocaine, dans le cadre d'un article consacré à ce document inédit. Le texte était accompagné d'un lien renvoyant vers le blog d'El Pais du journaliste Ignacio Cembrero, qui contenait un enregistrement de la vidéo d'AQMI. Inculpé pour «aide matérielle», «apologie» et «incitation au terrorisme», ce journaliste, connu pour ses prises de position critiques envers le régime, est sorti de prison après un mois de détention et une campagne de mobilisation au Maroc et à l'étranger.
Ce report inattendu a été motivé par l'absence du juge d'instruction qui se trouve actuellement «en mission». Le Washington Post, l'un des plus grands journaux du monde, a consacré un éditorial en faveur de Ali Anouzla, considérant son affaire comme un problème de liberté d'expression au Maroc. «Le procès Anouzla suggère que le roi n'est pas prêt à continuer sur le chemin prometteur de la libéralisation démocratique qu'il avait commencé», est-il écrit. De nombreuses ONG se sont mobilisées depuis le début en soutien à Ali Anouzla. L'organisation Reporters sans frontières, qui avait déjà demandé l'abandon des charges pesant contre lui, l'a récemment classé dans sa liste des 100 «héros de l'information». Dans un communiqué de presse, elle précise que «le placement en détention préventive de Ali Anouzla montre à quel point les autorités marocaines amalgament journalisme et incitation à l'exécution d'actes terroristes. Elles démontrent leur ignorance de ce qu'est l'essence du travail journalistique et méprisent l'importance pourtant cruciale de l'existence de médias indépendants dans un système politique». Lakome est un site indépendant qui est publié en versions arabe et française. Il fonctionne avec une équipe réduite se concentrant sur l'actualité politique marocaine. En février dernier, Ali Anouzla avait déclaré à la presse avoir demandé la réouverture de son site d'informations et assuré être prêt à en ouvrir un nouveau en l'absence de réponse du parquet auquel il avait écrit en janvier. Amnesty International a de son côté réclamé l'abandon des charges, estimant que «l'utilisation de la loi antiterroriste comme prétexte pour punir les journalistes pour leurs écrits est une atteinte grave à la liberté d'expression».