Alors que leur pays est à nouveau au bord de la guerre civile, les Libyens devront se rendre aux urnes le 25 juin pour élire un nouveau Parlement. «Il a été décidé que la date de l'élection du Parlement sera le mercredi 25 juin. Il s'agira d'un jour historique», a déclaré Salah Al Makhzoum, deuxième vice-président du Congrès général national libyen (CGN, Parlement). M. Al Makhzoum met fin ainsi à la confusion autour de la date du 25 juin, annoncée cette semaine par l'agence de presse officielle libyenne, puis démentie par la commission électorale. Il est à rappeler que le CGN, issu du premier scrutin libre du pays en juillet 2012, s'était attiré de nombreuses critiques, notamment pour avoir unilatéralement rallongé son mandat jusqu'en décembre 2014. Le gouvernement a d'ailleurs demandé, cette semaine, qu'il suspende ses travaux, une requête que le CGN doit examiner. Mais si le CGN a été critiqué, il faut savoir aussi que le gouvernement lui-même ne jouit pas d'une légitimité totale, le Premier ministre désigné Ahmed Miitig, élu à l'issue d'un vote controversé début mai n'ayant toujours pas la confiance du Congrès. Et en attendant que la situation rentre dans l'ordre, le cabinet du Premier ministre sortant Abdallah Al Theni gère pour l'heure les affaires courantes. Maintenant, le défi majeur des autorités libyennes sera de faire en sorte que ce scrutin se tienne réellement car le pays est devenu depuis quelques jours le théâtre de tensions politiques et de violences quotidiennes aggravées par des rumeurs de coup d'Etat militaire. A titre d'exemple, plusieurs milices de Misrata, répondant à l'appel du président du CGN qui leur avait demandé de venir «protéger la capitale et les institutions de l'Etat» après une attaque, dimanche, contre le Congrès, sont entrées jeudi dans la banlieue sud de Tripoli. En réaction, le cabinet du Premier ministre sortant Abdallah Al Theni, dont les relations sont extrêmement tendues avec le CGN, a appelé «tous les chefs de brigades armées dans le Grand-Tripoli à rester loin de la scène politique pour ne pas mettre en danger (...) ses habitants», selon un communiqué rendu public le même jour. Mais visiblement, l'appel de Abdallah Al Theni n'a pas été entendu puisque le maire de Tripoli, Sadat Al Badri, a annoncé sa démission jeudi soir pour dénoncer justement l'entrée des milices de Misrata dans la capitale. Haftar, le retour inattendu ? Au milieu de cette confusion totale, le général dissident Khalifa Haftar, qui avait lancé vendredi une opération armée à Benghazi dans l'objectif de se débarrasser des «terroristes», a accentué la pression sur les autorités en exigeant la mise en place d'un «conseil présidentiel» pour mener une période de transition dans le pays. Il reproche notamment aux autorités actuelles d'avoir été incapables de contenir les puissantes milices armées formées de rebelles qui ont participé à la révolte, en 2011, contre El Gueddafi, et de mettre en place une police ou une armée disciplinées. La feuille de route du général Haftar prévoit la suspension du CGN. Après avoir réussi à rallier des officiers de l'armée lors de son opération, Khalifa Haftar continue d'engranger les soutiens. Le dernier en date n'est autre que celui du ministre de la Culture, Habib Lamine. «Je soutiens cette opération contre les groupes terroristes. Le CGN, qui protège les terroristes, ne me représente plus», a-t-il déclaré mercredi soir à la presse. Accusé par le gouvernement de vouloir fomenter un coup d'Etat, M. Haftar assure ne pas vouloir prendre le pouvoir. Le «conseil supérieur des forces armées» autodéclaré demande au Conseil supérieur de la magistrature (CSM), la plus haute autorité juridique de Libye, «de former un conseil supérieur présidentiel, civil, qui aura pour mission de former un gouvernement d'urgence et préparer des élections législatives», a indiqué M. Haftar lors d'une conférence de presse mercredi. Le Conseil présidentiel remettra ensuite le pouvoir au Parlement élu, a-t-il ajouté depuis la ville d'Al-Abyar. L'initiative de M. Haftar a été accueillie avec beaucoup de méfiance, y compris parmi les anti-islamistes, qui doutent de ses motivations réelles. En un mot, les Libyens sont encore loin d'être sortis de l'auberge. Surtout que visiblement, tout va se décider en fonction des rapports des forces militaires sur le terrain.