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Les entrepreneurs hésitent à s'inscrire dans la modernité managériale
L'entreprise privée algérienne étant avant tout une affaire familiale
Publié dans El Watan le 26 - 05 - 2014

A l'origine de l'entreprise privée algérienne, il y a dans l'écrasante majorité des cas le groupe familial qui a engrangé ses premières grandes recettes financières à la faveur d'opérations commerciales, de négoce ou de transactions foncières (vente ou location de terres agricoles) effectuées après l'indépendance du pays, car, avant la libération du pays, il n'existait en Algérie que 50 entreprises employant au total à peine 2500 ouvriers, selon les estimations du sociologue Djilali Liabes qui avait réalisé, à la fin des années 80', une brillante thèse sur les entrepreneurs privés algériens.
Exception faite des apports individuels de capitaux pour la constitution d'entreprises sous formes de SARL, EURL ou SPA qui a pris de l'ampleur à l'aune des réformes économiques et des opportunités offertes par les sociétés étrangères qui s'installent en Algérie, la mobilisation de capitaux pour monter une entreprise est restée, d'abord et avant tout, une affaire strictement familiale, rétive à tout apport étranger à la famille. On ne met en commun les recettes disponibles qu'entre membres de la famille, parmi lesquels figurent de plus en plus souvent des personnes issues d'alliances matrimoniales. Et quel que soit le statut juridique adopté par la société (entreprise individuelle, en nom collectif ou autres), c'est presque toujours en famille qu'on prend l'initiative de créer une entreprise, de lui fixer son objet social, en l'assurant du soutien financier de tous et de la mise à contribution du réseau d'influence de chacun des membres.
C'est pourquoi en Algérie l'Histoire de l'entreprise privée est généralement liée à celle de la famille qui a pris l'initiative de la créer. Le propriétaire-gérant qui représente la société vis-à-vis des tiers n'est de ce fait perçu qu'à travers la place de père, frère, sœur ou gendre, qu'il occupe au sein de la famille entrepreneure. Autrefois tenus en marge de la sphère productive et du processus décisionnel, les membres de la famille de sexe féminin (épouses, belles-filles et belles-sœurs) occupent depuis ces vingt dernières années une place non négligeable dans le processus de création et de répartition patrimoniale de l'entreprise familiale en prenant, dans certains cas, la direction d'une des sociétés filiales.
Il n'est, en effet, aujourd'hui, pas rare que des affaires qui peuvent prendre l'aspect d'un actif immobilier, d'un moyen de production, d'un commerce ou d'une filiale spécialement créée à cet effet soient offertes à titre de dots à ces parentes, avec le souhait qu'elles les fassent fructifier pour le bien de tout le groupe familial. Et même si le nombre de femmes à la tête d'entreprises familiales ne dépasse guère le millier aujourd'hui, leurs résultats managériaux n'ont rien à envier à ceux des hommes et la voie vers un patronat féminin plus nombreux est, nous en sommes convaincus, résolument ouverte.
Loyauté
Cette perception du privé familial est aussi valable pour les entreprises ayant le statut de société par actions, mais que l'on continue malgré tout à désigner du nom de la famille propriétaire. Les firmes privées Cevital, SIM, Arcofina, Etrhb, NCA-Rouiba, Dekorex, Biopharm, Benamor, pour ne citer que ces entreprises emblématiques de la nouvelle économie algérienne, continuent toujours à être désignées du nom de leurs patrons, en dépit de la notoriété de leurs raisons sociales et, pour certaines, de leurs statuts de sociétés par actions qui requiert l'association de plusieurs actionnaires à leur capital social. Ceux qui les désignent ainsi ne sont, à vrai dire, pas du tout dans l'erreur, car quel que soit le nombre d'associés au capital de ces entreprises, l'écrasante majorité des détenteurs de parts fait généralement partie de la même famille.
Ce comportement, qualifié par certains sociologues de «paranoïaque», peut être interprété comme un réflexe spontané de défense contre un Etat perçu comme un partenaire trop puissant en faveur duquel seront tranchés tous les conflits qui viendraient à surgir et les associés étrangers à la famille qui pourraient éventuellement les abuser, car non soumis au code ancestral de loyauté auquel étaient autrefois soumis les membres d'une même famille. L'entreprise familiale algérienne a, en effet, pour caractéristiques d'appartenir à une ou plusieurs familles qui en détiennent le capital social, qui exercent directement ou indirectement le pouvoir de gestion pour en tirer le maximum de profits et garantir sa pérennité de manière à ce qu'elle puisse être transmise à leurs progénitures.
Le poids des sentiments dans les relations qu'entretiennent patrons et associés issus d'une même famille avec leurs entreprises est considérable. Il peut, parfois même, transcender les règles sacro saintes de la bonne gouvernance lorsque des impératifs d'ordre familial l'exigent, comme par exemple prélever directement de l'argent des recettes de la société pour payer une dette qui n'a rien à voir avec l'activité de l'entreprise, ou prendre en charge des frais de soins, de mariage ou d'inhumation d'un membre de la famille. L'obsession de se limiter au cercle familial poussera même ces patrons à financer l'équipement et le fonctionnement de leurs entreprises uniquement sur fonds propres.
Quitte à réduire leurs ambitions de croissance, ils feront rarement appel aux crédits bancaires et encore moins à des créanciers extra familiaux. La crainte de s'endetter auprès de bailleurs de fonds étrangers à la famille qui pourraient faire valoir d'humiliantes exigences ou auprès des banques publiques dont le pouvoir de nuisance à l'égard du privé est réputé redoutable, incite ces entrepreneurs à ne compter que sur eux-mêmes et certains membres de la famille pour mobiliser le capitaux nécessaires.
Méfiance
La croissance prodigieuse du nombre d'entreprises privées (un peu plus de un million selon le recensement économique effectué par l'ONS durant l'année 2011) constatée tout au long de ces vingt dernières années n'a, à l'évidence, pas changé grand-chose à cette tendance à l'autofinancement, ces dernières n'ayant reçu, selon les estimations, qu'environ 15% des crédits à l'économie. La centaine de milliers de crédits accordés par l'Ansej aux jeunes va certainement augmenter ce taux, mais sans changer la tendance à la propriété familiale.
Les entreprises privées qui réalisent aujourd'hui l'essentiel de la richesse nationale (environ 80% du PIB hors hydrocarbures) mériteraient pourtant un traitement autrement plus favorable en matière d'octroi de crédits.
Ce qui n'est, malheureusement, pas le cas pour 88,2% d'entre elles qui, selon le tout dernier recensement économique effectué par le très officiel Office national des statistiques (ONS) n'ont dû compter que sur leurs fonds propres. Le capital-argent à la faveur duquel se créent les entreprises privées prend généralement sa source dans l'épargne familiale (rarement individuelle) accumulée au gré d'une trajectoire historique qui lui est propre. La vente d'un bien immobilier hérité (maison ou terrain dans l'indivision), les fruits d'une affaire exceptionnelle, la spéculation, les rentes générées par l'exercice ou la proximité du pouvoir, etc.) constituent, bien souvent, le point de départ du capital-argent nécessaire à l'impulsion d'une entreprise familiale.
Le cloisonnement de l'entreprise dans les strictes limites du cercle familial influe évidemment sur leur mode de gestion de type paternaliste ayant les désavantageuses particularités d'être hostile à l'innovation managériale et méfiant à l'égard de ce qui est étranger à la famille (financements bancaires, cadres et travailleurs n'ayant pas de liens de parenté avec les propriétaires, etc.). Lorsque, pour diverses raisons n'ayant rien à voir avec la rationalité de leur gestion, les résultats commerciaux sont malgré tout bons, ces entrepreneurs finissent par se complaire dans leur manière d'être, refusant de prendre acte des changements, pourtant bien évidents, qui s'opèrent autour d'eux à la faveur de la mondialisation et des avancées technologiques.
A contre-courant du vent de la modernité qui pousse vers davantage de rationalité, de professionnalisme et de participation des travailleurs à la gestion, le destin de ces entreprises reste entre les mains des chefs de famille qui ne cèdent leurs pouvoirs à d'autres membres de la famille qu'après leur mort. Cette apparente confusion entre le droit de propriété et le pouvoir de gestion qui caractérisent ces entreprises familiales s'explique par l'avènement, somme toute tardif, de la propriété privée algérienne comprise dans le sens capitaliste et moderne du terme. Et c'est précisément cette confusion qui influera sur l'envergure de nos entreprises qui ne dépassera que très rarement la taille parfaitement contrôlable d'une PME, le but étant de les maintenir dans des proportions gérables par leurs propriétaires qui n'ont souvent pas le savoir-faire managérial requis pour gérer des sociétés ayant pris trop d'ampleur.
Survivre aux aléas de la gouvernance politique
Le sociologue Djilali Liabès ira jusqu'à affirmer dans sa thèse de doctorat d'Etat intitulée «Entreprises, entrepreneurs et bourgeoisie d'industrie en Algérie», élaborée en 1988, que «cette confusion entre biens personnels et biens de l'entreprise pèsera sur l'impact des événements familiaux, sur la marche et l'espérance de vie de l'entreprise». Un décès, un divorce et autre important événement familial peut, en effet, ouvrir la voie à d'interminables contentieux successoraux, à de nouvelles alliances familiales susceptibles de filialiser certaines activités de l'entreprise ou d'en créer de nouvelles.
Une dispute peut également être fatale pour l'existence d'une entreprise familiale. La réussite entrepreneuriale peut, a contrario, souder le clan familial en absorbant son potentiel conflictuel. Le même auteur compare, à juste raison, entrepreneuriat privé algérien à un capitalisme dynastique d'accumulation lente, qui a l'avantage de donner à l'entreprise une espérance de vie beaucoup plus connectée à un attachement affectif qu'à des logiques capitalistiques pures.
De ce fait, l'entreprise familiale algérienne s'inscrit volontairement dans la durée en dépit de ses résultats managériaux, quitte à ce que ses propriétaires comblent, chaque fois que nécessaire, les pertes subies avec leurs propres deniers ou, comme c'est plus souvent le cas, en réduisant leurs salaires et avantages. La faillite est perçue comme un cauchemar, un honteux échec qui peut ternir l'honneur de la famille, d'où l'importance de durer, quelles que soient les vicissitudes. De ce fait, la répartition du résultat du travail ne relève pas toujours de la méritocratie, mais d'une forme de socialisme égalitariste dont profiteraient tous les membres de la famille quelle que soient leurs compétences. Ils sont, en échange, tous astreints au bénévolat lorsque les difficultés l'exigent.
Quels parents accepteraient en effet d'être rémunérés pour des efforts fournis pour le bien de leur entreprise et de leurs enfants. Nous sommes ici aux frontières de la «Touiza» accommodée aux normes capitalistiques modernes. Comme pour mieux s'adapter aux changements induits par la mondialisation, le groupe familial constitue depuis ces deux dernières décennies un moyen de consolidation de la base matérielle et d'extension du réseau social des entreprises privées algériennes.
Les apports externes à l'entreprise originelle s'opèrent par le truchement d'alliances matrimoniales avec des familles riches ou dominantes, comme par exemple les enfants d'officiers ou d'hommes politiques en poste. Ces alliances, aujourd'hui courantes, visent en réalité à renforcer la cohésion et la puissance du groupe, de manière à le rendre moins vulnérable à d'éventuelles malveillances des autorités politiques en place ou de groupes familiaux adverses. Aussi paradoxal que cela puisse paraître, c'est ce capitalisme ancestral centré sur la famille qui a permis à bon nombre d'entreprises privées algériennes de survivre aux aléas de gouvernances politiques et économiques dont souffre depuis bien longtemps l'Algérie.


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