Le bureau fédéral a adressé une sévère mise en garde aux joueurs professionnels après le léger débrayage qu'ils ont observé lors des rencontres de la dernière journée (30e) de Ligue 1. Dans le communiqué sanctionnant la réunion de cet organe (25 mai), il est écrit : «Le bureau fédéral déplore les actions de protestation des joueurs exprimées par l'interruption momentanée des rencontres lors de la dernière journée du championnat, et tient à rappeler que la décision de plafonnement des salaires a été prise à l'unanimité par les présidents des clubs employeurs lors de la réunion du 25 décembre 2013, dans le but de lutter contre l'endettement et d'éviter la faillite des clubs. L'interruption des rencontres de football par des joueurs pour un motif quelconque est punie par les règlements. La commission de discipline prendra les mesures adéquates qui s'imposent à l'encontre des contrevenants. Le bureau fédéral rappelle que la relation de travail joueurs/clubs est une relation privée qui ne concerne pas directement les instances du football, dont le rôle primordial est de veiller à la bonne organisation et à l'intégrité des compétitions ainsi qu'au respect et l'application des règlements et des décisions. Le bureau fédéral saisit l'occasion pour rappeler aux joueurs professionnels leurs obligations à se mettre à jour et de s'acquitter des impôts et des cotisations de la Caisse de sécurité sociale au même titre que tous les salariés algériens.» Par cette sortie mais alors pas du tout indiquée, le bureau fédéral a fait étalage de toute son ignorance du code du travail et des obligations des salariés et des entreprises. Il fournit la preuve, à travers ces lignes, de sa totale déconnexion des réalités des relations de travail entre la société (SSPA) et les travailleurs (footballeurs). Plongé dans un coma artificiel depuis des années, le bureau fédéral s'est reveillé brusquement pour balancer des menaces à peine voilées à l'encontre des joueurs grévistes et les a sommés au passage «à se mettre à jour et de s'acquitter des impôts et des cotisations de la Caisse de sécurité sociale au même titre que tous les salariés algériens». Le bureau fédéral maîtrise-t-il le sujet (les cotisations et charges) ? Pas sûr ! A rappeler aux honorables membres de cet organe de contrôle et de gestion de la fédération, que dans la législation algérienne en matière de relations de travail, les cotisations et charges sont relevées à la source par l'entreprise. L'employé, quel que soit son statut, ne s'oriente jamais vers la Caisse de sécurité sociale. C'est son entreprise qui s'en charge. L'impôt sur le revenu global (IRG) est levé systématiquement à la source. Allons, allons messieurs les membres du bureau fédéral vous n'avez rien d'autre d'important et d'intéressant à faire que de vous fourvoyer dans un dossier qui n'est pas de votre ressort, comme il est justement relevé dans les attendus du dernier communiqué du bureau fédéral. Le plafonnement des salaires est illégal Maintenant revenons au sujet qui fâche. Le plafonnement des salaires que beaucoup de joueurs rejettent. Cette décision n'a aucun fondement légal ni juridique. Pour donner plus de poids et de crédit à sa prise de position en faveur de cette mesure, le bureau fédéral croit bien faire en rappelant que la décision de plafonnement des salaires a été prise à l'unanimité par les présidents des clubs employeurs le 25 décembre 2013. Cela suffit-il pour qu'une telle décision soit légale ? Certainement pas. Il suffit pour cela que les joueurs aient recours à l'arbitrage de l'inspection du Travail pour qu'elle soit frappée de nullité. Pour qu'une décision pareille puisse être mise en application, elle requiert, préalablement, un accord entre les partenaires sociaux et doit être mentionnée noir sur blanc dans une convention collective. Le BF semble ignorer tout cela. Il justifie son alignement sur la position des présidents de clubs (plafonnement des salaires) par le souci de lutter contre l'endettement et éviter la faillite des club. Il est trop tard ! L'endettement est généralisé. A deux ou trois exceptions, les clubs des Ligues 1 et 2 croulent sous les dettes. La plupart ont consommé leur capital social avant le terme du premier exercice. Là-dessus, la loi est claire. Les clubs dans cette situation devaient être déclarés en faillite par le commissaire aux comptes... et la fédération. Pourquoi celle-ci ne l'a pas fait ? Est-ce aujourd'hui seulement qu'elle prend la mesure du désastre ? Il faut arrêter de dribbler, de feinter et de gagner du temps. Le professionnalisme doit être repensé plus sérieusement. Le sujet est trop sérieux pour le confier au BF plongé dans la léthargie et la méditation. L'issue de ce conflit, qui n'a pas encore livré tous ses secrets, ne se réglera pas par les menaces et les intimidations. La posture la mieux indiquée est de réunir autour d'une table tous les acteurs et surtout d'associer les joueurs dans une question qui les concerne en premier. Quand même ce n'est pas de leur faute si le professionnalisme à l'algérienne défie toutes les normes (dans le mauvais sens). Si la fédération faisait bon usage du code de commerce, il n'y aurait pas plus d'une poignée de clubs pros. A-t-elle eu un jour la volonté de le faire ? C'est une autre histoire qui renvoie aux conditions de lancement du professionnalisme. Le football vit dans la fiction.