Aucun qualificatif, aucune exclamation n'étaient assez forts pour les commentateurs italiens afin de décrire les prouesses de Zinédine Zidane lors du match France-Brésil. Les Italiens, supporters habituels des coéquipiers de Ronaldo, ont été foudroyés par le talent de Zizou. Les tifosi, un peu par une tenace rancune envers leurs cousins outre-Alpes, coupables de leur avoir enlevé des pieds la coupe du monde de 1998, un peu par attachement historique et culturel aux pays de l'Amérique latine, espéraient que le Brésil ne suive pas le chemin de l'Argentine, éliminée aux quarts de finale du mondial allemand. Mais voilà, un seul homme a suffi à faire basculer les supporters de la Squadra azzura dans le camp des cousins haïs et admirés, les Français. Un célèbre chroniqueur sportif de Canale Cinque, chaîne de télévision appartenant au groupe Mediaset de Silvio Berlusconi, a laissé libre cours à son émerveillement devant le phénomène Zidane, dans son commentaire du journal télévisé dominical. « A Ronaldo, Kafu et Ronaldinho nous disons, on reparlera de vous lorsque vous deviendrez des hommes, comme Zidane. » Déjà la veille, il était amusant de constater comment les commentateurs de la chaîne publique Rai et des autres télés privées et radios avaient, au fil des quatre vingt dix minutes du match, succombé à la grâce d'un seul des 22 joueurs qui évoluaient sur le terrain de Frankfurt. L'appelant tour à tour Zizou, Monsieur Zidane, le roi Zidane, Eroi (héros en italien), les journalistes italiens n'avaient pas fait preuve d'un tel flagrant parti pris, même pas pour soutenir la sélection de Marcello Lippi. Pourtant, il y a à peine dix jours, la presse italienne avait sonné le glas pour la carrière de Zidane, reconnaissant toutefois son parcours exceptionnel. Et hier, dès les premières minutes du match France-Brésil, la plupart des analystes du football lançaient ouvertement cette proposition à Zidane : « Pourquoi avoir décidé de mettre fin à sa carrière ? Il est le meilleur de ce mondial. » Décrit comme un grand homme, doué de l'esprit d'équipe, généreux et humain, Zidane n'a pas eu droit à un tel encensement, même lorsqu'il multipliait ses buts déterminants pour le club italien, la Juventus. Après avoir enterré prématurément le roi Zidane, les chroniqueurs du calcio ne pouvaient rester de marbre devant sa royale résurrection. Hier, les principaux quotidiens de la Péninsule prenaient acte, en chœur, de la supériorité athlétique et technique du « génie Zidane », avec une pointe de mélancolie pour ne lui avoir pas démontré la juste gratitude lorsqu'il évoluait sous le maillot blanc et noir de la Juventus, aujourd'hui au centre d'un grand scandale de fraude sportif. Sentiment résumé par l'un des commentateurs vedettes de la Rai : « Le roi brésilien est resté nu », ridiculisé « par le numéro dix, d'origine algérienne, de l'équipe adverse, comme ce fut le cas en 1998. L'histoire se répète ».