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«Le pays n'est plus gouverné»
Ali Benflis. Ancien chef de gouvernement
Publié dans El Watan le 31 - 05 - 2014

- Un mois et demi se sont écoulés depuis le scrutin du 17 avril, dont vous avez rejeté les résultats. Quelle est, avec le recul, votre appréciation sur cette élection ?
Le recul n'y a rien changé ; mon appréciation reste strictement la même. Dès le départ, lorsque je l'ai formulée devant le peuple algérien, elle ne m'était dictée ni par des considérations personnelles ni par les données subjectives de l'instant. Cette appréciation, je l'ai exprimée en conscience sur la base d'une évaluation politique rigoureuse et sans concession. Elle reste valable et chaque jour qui passe conforte sa justesse à mes yeux.
Qu'ai-je dit que les développements depuis l'élection n'ont pas confirmé ? Qu'il n'y a pas d'élection, que le suffrage universel ne compte pas en Algérie et que tout ce dont il s'agit n'est qu'une distribution politico-administrative de quotas électoraux en fonction des inimitiés ou des allégeances ? Qui en doute ? Que le régime en place n'est obsédé que par sa propre survie et que tout le reste importe très peu pour lui ? Cela se confirme chaque jour.
Que la fraude est une sorte d'assurance tous risques politiques pour ce régime ? Qui conteste cette triste réalité, aujourd'hui, à part le régime lui-même ?
Que la vaste entreprise frauduleuse du 17 avril aggravera la crise politique et l'impasse institutionnelle auxquelles l'Algérie fait face ? Tout le monde en est conscient, sauf le régime en place, encore une fois.
Il y a, actuellement, dans notre pays un problème d'une gravité extrême dont le traitement urge. Ce problème est celui d'institutions en déficit de légitimité et d'institutions à l'arrêt. Tout processus politique de sortie de crise sérieux et digne de ce nom devra nécessairement s'employer à régler ce problème essentiel au titre de la priorité la plus élevée.
- Avez-vous regretté d'avoir participé à cette élection en vous disant, par exemple, que vous avez donné de la crédibilité à ce vote qui n'en est pas un, ou êtes-vous renforcé dans votre conviction ou dans la justesse de votre participation ?
Analysons cela avec un peu plus de rigueur, voulez-vous ? Même avec un zèle d'une rare intensité, comment aurait-il été possible que je donne de la crédibilité à une candidature sans crédibilité à la base et que ses promoteurs ont discrédité encore plus, par leurs pratiques et leurs comportements, avec, je dois le reconnaître, un talent et une créativité qui forcent l'admiration.
J'ajouterai ceci : l'élection s'est tenue ; j'y ai participé. Est-elle devenue pour autant plus crédible chez nous comme aux yeux du monde ? Ma participation n'a rien changé à cette réalité : cette candidature et avec elle l'élection du 17 avril n'étaient pas crédibles au départ et elles ne le sont pas davantage aujourd'hui.
Quant à ma décision personnelle de participer, elle obéissait à d'autres motivations et s'assignait d'autres objectifs.
Pour faire dans la concision, je dirai que mon but avait une triple dimension : celle de faire la démonstration qu'une alternative existait et qu'elle pouvait être portée par un projet politique rigoureux, crédible et prêt à l'emploi ; celle de prouver, sur le terrain, la capacité de ce projet politique de susciter une forte adhésion populaire ; et celle de faire confirmer, pour ceux qui en doutent encore, que notre pays et notre peuple sont demandeurs de changement et qu'ils y sont prêts. Voilà le sens de ma participation à l'élection présidentielle et, de ce point de vue, mon but a été atteint au-delà de toutes mes espérances.
- Si l'élection du 17 avril était à refaire, quelle démarche suivriez-vous ? Seriez-vous amené à adopter une autre stratégie ou à prendre des décisions que vous n'avez pas pu prendre lors de cette élection ?
Mon but était clair. Je viens de vous en livrer les dimensions et le contenu. Ce but a été atteint. Pourquoi changerais-je une stratégie qui s'est révélée gagnante avec un projet politique dont le mérite et la justesse ont été reconnus, avec un engouement populaire qui n'a faibli dans aucune région de notre vaste pays en faveur de ce projet et avec la promotion de la cause du changement que ce même projet a réussi en mobilisant et en élargissant les rangs de ceux qui veulent hâter l'avènement d'un ordre démocratique dans notre pays.Donc, il n'y a rien de fondamental que je puisse être amené à changer dans ma stratégie. Bien sûr, j'aurais aimé pouvoir agir sur une seule chose, mais cela n'est pas en mon pouvoir : bannir la fraude seulement, mais cela est une autre histoire. Cela va au-delà de mes seules forces et exige une mobilisation et un rejet populaire plus grands. Leur temps viendra, j'en ai la certitude.
- Avec le recul, auriez-vous, par exemple, exigé la disqualification du Conseil constitutionnel et demandé qu'il présente, dans la transparence la plus totale, les raisons qui l'ont poussé à l'acceptation, à l'époque, du dossier médical du Président sortant ?
Le Conseil constitutionnel a été, et c'est triste de le constater, une institution-pivot dans l'opération de fraude massive à laquelle a été réduite la dernière élection présidentielle. Il assume une responsabilité particulière dans la validation d'une candidature manifestement non conforme à la Constitution et aux lois de la République. Il a été préparé pour cela, comme chacun le sait. Il a agi en simple relais du pouvoir en place. Mais il n'est pas le seul.
Tout ce que l'Algérie compte comme institutions nationales – présidence de la République, gouvernement, Parlement – et comme démembrement locaux – wilayas, daïras et communes – ont été instrumentalisées au bénéfice de cette candidature. Pour pouvoir imposer cette candidature non conforme, contestable et contestée, ses promoteurs personnellement intéressés avaient besoin de plus d'un relais. L'Etat et l'administration algérienne dans son ensemble ont été leur terrain de manœuvre et d'instrumentalisation.
- Vous avez annoncé un Livre blanc sur la fraude électorale, vous ne l'avez toujours pas présenté.
Soyez patient. C'est d'un Livre blanc qu'il s'agit, pas d'une déclaration ni d'un communiqué. La mouture que j'ai entre les mains est de 200 pages. Ce type d'exercice exige des investigations, la collecte d'informations, des recoupements et l'analyse. J'ai le souci de l'exactitude et de la rigueur. Ce Livre blanc est en voie de finalisation et, ainsi que je l'ai promis au peuple algérien, il sera rendu public au cours du mois de juin.
Dans l'imaginaire collectif, la fraude se réduit au «bourrage des urnes», si je peux m'exprimer ainsi. Or elle est autrement plus complexe et plus sophistiquée. C'est ainsi que le régime en place l'a conçue et organisée pour ne rien laisser au hasard.
Ce Livre blanc, dans une démarche de traçabilité, remonte toute la filière de la fraude ; il en identifie les relais ; il en démonte, l'un après l'autre, chacun des mécanismes ; il va aux sources de la fraude qui se trouvent, hélas, dans les failles béantes de notre régime électoral.
Le Livre blanc n'est donc pas une tâche aisée et le sujet qu'il traite, la fraude, n'est pas simple. La fraude est une véritable toile d'araignée dont il s'agit de désimbriquer chacun des fils.
Ce Livre blanc, je le conçois comme un apport à une réflexion politique et civique et comme une tâche pédagogique. La fraude est le point culminant de la malfaisance politique : elle est la négation de toute vie démocratique ; elle ôte tout son sens à la pratique politique ; elle foule aux pieds la souveraineté populaire ; elle tue le sens civique.
Lorsqu'au sommet de l'Etat, on fraude, on fausse et on triche, comment peut-on, sans rougir, professer pour la société des valeurs de probité, d'intégrité et d'honnêteté ?
Le Livre blanc aboutit à un seul constat : pour qu'une vie démocratique voie, enfin, le jour en Algérie, il faudra impérativement que le réseau de la fraude soit démantelé. Cette tâche n'est ni difficile ni insurmontable. D'autres pays l'ont accomplie au moyen d'une autorité indépendante chargée des élections. Même l'Afghanistan et l'Irak y sont parvenus avec succès. L'Algérie peut en faire autant.
- Quel est votre jugement sur la situation politique du pays plus de quarante jours après le 17 avril ?
La crise politique et l'impasse institutionnelle sont toujours là et elles s'aggravent. Le pays n'est pas gouverné. La légitimité des institutions est mise en cause comme elle ne l'a jamais été auparavant. Nous continuons à accumuler les retards politiques, économiques et sociaux alors que, autour de nous, les autres changent, se réforment et avancent. Chez nous, c'est le règne de l'incurie, de l'incompétence et de l'impunité.
Vous voulez un exemple qui n'a rien de futile ? Observez cette affaire de l'autorisation donnée à l'exploitation du gaz de schiste ; elle est symptomatique de l'irresponsabilité et de la légèreté avec lesquelles sont gérées les affaires publiques. Voilà un sujet controversé dans le monde entier.
Les pays sérieux l'ont soumis à débat, à expertise et à contre-expertise. Chez nous, rien de tel, alors même que l'exploitation de cette énergie non conventionnelle est susceptible d'avoir un impact grave et irrémédiable sur l'écosystème sensible et fragile du Sahara algérien.
Le peuple algérien, le premier concerné, est maintenu dans l'ignorance la plus totale des tenants et des aboutissants d'une telle autorisation.
Le régime en place ne se préoccupe que de durer et de faire durer la rente, voilà l'amère réalité que nous subissons.
Cette réalité dicte l'impératif du changement. Ce changement sera démocratique ou ne sera pas. Sur cette voie, il n'y a pas de place à la diversion ou aux demi-mesures. Un processus politique global doit être ouvert pour mener notre pays vers cette voie en dehors de laquelle il n'y a pas d'autre issue.
- Où en est également la préparation du parti politique que vous avez annoncé ?
Je me suis astreint à une stricte observance des exigences de la loi. Tout est fait pour que la demande de création du futur parti satisfasse aux critères établis par la législation en vigueur.
Le projet de statuts, l'avant-projet de programme politique ainsi que le projet du règlement intérieur de ce parti sont prêts.
Nous finalisons actuellement la liste des membres fondateurs de ce parti. Ce n'est pas la partie la plus aisée de la tâche tant l'engouement est grand.
- Vous avez été contacté par la Coordination nationale pour les libertés et la transition démocratique. Ne pensez-vous pas que les divergences qui vous séparent de ce groupement sont fondamentales et que, donc, les chances d'une convergence en vue d'actions communes sont minimes.
Votre question nécessite quelques clarifications préalables. D'abord, ma place aujourd'hui est clairement dans l'opposition. Ensuite, je suis pour une dynamique de convergence entre les forces politiques constitutives de cette opposition. Enfin, il me semble que ce qui peut rassembler ces forces dans leur refus des politiques désastreuses du régime en place est plus fort et plus important que ce qui peut les différencier. Cette dynamique de convergence est indispensable pour le pays. En effet, face au choix de la stagnation fait par le régime en place, le rassemblement des forces politiques et sociales opposées à ce choix préjudiciable à tous les points de vue est le seul instrument politique à notre disposition pour baliser la voie du changement.
Comme vous le voyez, je ne suis pas dans un état d'esprit me permettant de conclure qu'entre les forces politiques, rassemblées au sein de la Coordination nationale, et moi-même il y a des divergences fondamentales, comme vous le dites.
Bien au contraire, je constate que nous nous rejoignons sur beaucoup de données importantes. Nous faisons la même lecture de la nature et des causes de la crise actuelle : nous y lisons une crise de régime qui se manifeste sous forme de crise politique et crise institutionnelle. Nous partageons le même rejet à l'acte de diversion que représente le projet de révision constitutionnelle.
Je vous concède que nous avons des sensibilités différentes quant à la démarche à suivre. La Coordination nationale plaide pour une transition démocratique. Je défends l'idée d'un processus politique global. Où est la différence ? Elle concerne la nature de ce processus ainsi que le type d'organisation à laquelle il devra obéir ; elle concerne l'agencement de ses priorités et enfin les résultats que nous devons en attendre.
Mais je vous rassure, le fil de la concertation et du dialogue n'est pas rompu entre nous. Notre souci commun est de faire aboutir la dynamique de convergence que je viens d'évoquer, car elle est dans l'intérêt supérieur du changement.
- Participerez-vous à la rencontre de cette Coordination prévue le 7 juin prochain ?
Comme je viens de le dire, la concertation est en cours entre nous. Notre dialogue se poursuit jusqu'à ce moment où je vous parle. J'arrêterai la décision définitive au vu des résultats de cette concertation et de ce dialogue. J'ajouterai que je ne suis pas seul. Je suis le coordinateur du Pôle des forces du changements. Ce Pôle aura son mot à dire et sa décision à prendre sur ce sujet.
- Vous venez de décliner l'invitation de la Présidence pour participer aux consultations sur la révision de la Constitution. Vous lui avez fait savoir votre refus, vous l'avez aussi motivé. Mais que préconisez-vous pour concrétiser votre projet, étant donné que le pouvoir semble avoir fermé définitivement la parenthèse démocratique le 17 avril dernier ?

Ce pouvoir n'a jamais ouvert une parenthèse démocratique pour pouvoir la fermer. Sa vraie nature est celle d'un pouvoir personnel, autoritaire et sans légitimité. L'Algérie n'est pas encore un Etat démocratique ; elle n'est pas encore un Etat de droit ; elle n'est pas encore une société des libertés.
Or, ce dont il s'agit pour moi c'est précisément de hâter l'avènement d'un ordre démocratique que le régime en place contrarie par sa nature, par ses pratiques et par ses comportements.
Pour réaliser cet objectif, je propose l'ouverture d'un processus politique global. Vous remarquerez que je ne donne pas de nom à ce processus. Je laisse cela au dialogue et à la décision consensuelle. Certains l'appellent Pacte national ; d'autres une transition démocratique, d'autres encore un mandat-transition.
Cela est pour moi une question de forme, bien que je sache que sous la forme se cachent souvent des questions de fond essentielles.
L'important à mes yeux est donc le contenu de ce processus politique global. Un tel processus ne saurait, sans se dénaturer, occulter certaines problématiques fondamentales dont le traitement est indispensable au règlement de la crise politique et à la sortie de l'impasse institutionnelle auxquelles le pays est confronté.
Au sommet de ces problématiques, prend place le retour à la souveraineté populaire et son respect. Il y va de la légitimité de nos institutions et, par voie de conséquence, de leur crédibilité et de leur autorité. Il y a ensuite la problématique du fonctionnement des institutions de la République. Ces institutions sont à l'arrêt. Quoi que dise et quoi que fasse le régime en place, il y a une vérité amère à reconnaître : le pays n'est plus gouverné.
Permettez-moi de vous le dire de manière plus directe : ceux qui sont censés nous diriger manquent non seulement de légitimité mais, de surcroît, ils ne nous dirigent même pas.
Il y a en outre la nature du régime politique algérien qui reste posée et qu'il faudra bien régler un jour. Ce régime ne pourra pas être autre chose qu'un régime démocratique conformément aux normes universellement établies et admises. Ce régime devra être bâti sur une véritable séparation des pouvoirs dans le cadre de laquelle le gouvernement gouverne, le Parlement légifère et la justice assume son indépendance.
Dans ce régime, le gouvernement sera responsable, contrôlable et soumis impérativement à la reddition des comptes. Le Parlement légiférera en n'ayant pour guide que l'intérêt général et non les autres intérêts parasitaires que sont les corporatistes, catégoriels, clientélistes, régionalistes et claniques. La justice assumera son indépendance par le seul moyen qui vaille, celui de la rupture de son lien ombilical avec le régime en place, dont elle n'est que l'instrument et la caution. Lorsqu'un consensus national aura été réalisé autour de toutes ces tâches, alors – et seulement alors – viendra le temps constitutionnel.
La Constitution devra venir couronner ce processus. Elle devra être l'œuvre de constituants légitimes et représentatifs. Elle devra requérir le consensus le plus large possible. Elle devra jouir de l'assentiment du peuple souverain.
Ce n'est qu'en satisfaisant à l'ensemble de ces conditions nécessaires et suffisantes qu'elle méritera le nom de Loi suprême de la République.
Voilà ma vision de ce processus politique global que j'appelle de mes vœux et que j'entends servir sans intransigeance mais sans concession.
- A part le retour à la limitation des mandats présidentiels, en tant que juriste, qu'apporte de plus la mouture de la Présidence ? Certaines dispositions font déjà polémiques. La constitutionnalisation de la réconciliation nationale, la possibilité de briguer un mandat présidentiel pour les enfants de harkis, la non-officialisation de tamazight, l'élargissement de la composante du Conseil constitutionnel et la possibilité de déléguer les pouvoirs du Président au Premier ministre. Qu'en pensez-vous ?
Le retour à la limitation des mandats présidentiels est une réparation de l'outrage fait à la Constitution en 2008. En cette affaire, la repentance a été bonne conseillère. Tamazight aurait dû être constitutionnalisé comme langue officielle. Il en est grand temps. Notre voisin marocain a fait ce choix et il ne s'en porte que mieux. Nous devons sortir de notre frilosité et de nos appréhensions mal placées pour accomplir ce pas qui va dans le sens de l'harmonie et de la cohésion au sein de la nation.Maintenant, vous faites état de dispositions qui font polémique. J'observe que ce n'est pas seulement telle mesure ou telle autre de la proposition de révision constitutionnelle qui nourrissent cette polémique.
Le principe, l'opportunité et l'utilité même de cette révision constitutionnelle posent problème. En quoi la révision constitutionnelle envisagée peut-elle aider au règlement de la crise de régime que nous vivons ? Cette révision constitutionnelle est-elle appelée à mettre fin au régime personnel et autoritaire imposé au pays ? Cette révision constitutionnelle est- elle apte à régler le problème de la légitimité et du fonctionnement des institutions ? En quoi cette révision constitutionnelle est-elle destinée à faire de l'Algérie un Etat de droit et des libertés ?
Voilà les véritables questions qui me semblent devoir être posées avec courage et sagesse. Le régime en place les évite comme il se garde bien de leur apporter ne serait-ce qu'un début de réponse. Cette réponse presse et les retards s'accumulent. Venir devant notre peuple avec cette réponse exige plus que les calculs de courte vue, les approches biaisées et les tâtonnements hasardeux. Cela nécessite un sens élevé de l'intérêt national, la clarté de la vision et du projet politique et, par-dessus tout, un désir sincère de changement.


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