Il ne s'agit pas d'une crise au sens propre du terme, mais la relation entre la Turquie et son voisin irakien se porte plutôt mal. En fait, un élément supplémentaire vient s'ajouter à un contentieux né de ce que l'Irak considère comme une ingérence dans ses affaires intérieures, s'agissant de contacts et même de relations entre Ankara et le Kurdistan irakien. Pourtant, faudrait-il rappeler, les autorités turques avaient plutôt mal pris que cette région autonome, à vrai dire depuis la première guerre américaine contre l'Irak en 1991 et l'instauration d'une zone d'exclusion aérienne, se dote de symboles de souveraineté, la question de la minorité kurde se posant encore en Turquie. Qu'est-ce qui a donc changé au point que la Turquie aide au passage du pétrole extrait du Kurdistan irakien, sur son propre territoire malgré les mises en garde des autorités centrales irakiennes ? «L'appât du gain», selon Baghdad qui n'arrive plus à imposer son autorité. «Nous pensons que la Turquie est motivée par l'appât du gain pour essayer de mettre la main sur du pétrole irakien pas cher», a déclaré Hussein Al Chahristani, vice-Premier ministre chargé des Affaires énergétiques. Ou encore, ajoutera ce responsable, comme pour bien souligner le caractère illégal de l'activité menée par les Kurdes d'Irak, les autorités turques «ont facilité cette contrebande de brut irakien». Il ne s'arrêtera pas là. «Les agissements turcs ont fait beaucoup de mal à l'Irak», a-t-il estimé. «Ils ont sapé l'économie et privé le peuple irakien de revenus.» Le gouvernement irakien insiste sur le fait qu'il est le seul habilité à exporter le pétrole, dont les recettes fournissent à l'Etat 95% de ses revenus. Il y a donc là un problème, et même un gros problème pour les autorités centrales irakiennes, également privées de revenus peut-être consistants, puisque le contrôle d'une région riche en pétrole leur échappe. Ce qui n'est pas nouveau puisque les autorités kurdes ont conclu des contrats avec de nombreuses compagnies pétrolières, leur manquant tout juste un pôle d'exportation, la question ne se posant plus alors. La Turquie a en effet reconnu le mois dernier, avoir commencé à livrer sur les marchés internationaux du pétrole en provenance du Kurdistan irakien, contre l'avis du gouvernement irakien exigeant son aval pour toutes les exportations de pétrole pompé sur le territoire irakien. «En transportant et stockant du brut du Kurdistan, et en le chargeant sur un tanker à Ceyhan, le tout sans l'autorisation du ministère irakien du Pétrole, la Turquie et Botas (la compagnie pétrolière turque) ont enfreint leurs obligations stipulées dans l'accord sur l'oléoduc Irak-Turquie», selon Baghdad qui a déposé, le 23 mai, une plainte contre la Turquie devant la Chambre de commerce internationale (ICC). Les autorités kurdes ont estimé que cette plainte était «vouée à l'échec» et «illégitime», des accusations claires pour certains, tant la relation entre Baghdad et le Kurdistan n'est pas appréhendée de la même manière par les deux parties. C'est pourquoi, les autorités kurdes déclarent avoir agi dans la transparence, mais surtout de dire que rien ne les arrêtera, soulignant en cela qu'il s'agit d'un «droit d'exploiter et de vendre du pétrole». Ce que le gouvernement irakien ne conteste pas en totalité, affirmant que les Kurdes ne sont pas habilités à signer des accords avec les sociétés étrangères sans son accord. Mais est-ce réellement le seul grief, alors qu'il s'agit aussi et peut-être surtout des revenus que cela ne manque pas de générer ? C'est aussi la question de la souveraineté de Kirkouk riche en pétrole. Ce qui fait perdre de vue l'intérêt de la Turquie. Qu'en est-il au juste ?