Un ancien membre fondateur du Front islamique du salut (FIS), dissous par une décision de justice en 1992, Hachemi Sahnouni, et avant lui l'ancien chef de l'Armée islamique du salut (AIS), la branche terroriste du parti en question, vient de jeter un pavé dans la mare en annonçant l'offre qui leur a été faite par le pouvoir de revenir sur la scène politique. C'est vrai que la revendication des membres du parti dissous est vieille de quelques années, que c'est dans la foulée de l'application d'abord de la concorde civile, en 2001, puis de la charte pour la paix et la réconciliation nationale en 2005, que d'anciens membres du FIS et des repentis ont revendiqué leur retour à l'activité politique, mais une aussi grande disponibilité du pouvoir à les réhabiliter politiquement, on ne l'aurait jamais imaginée ! On peut penser à deux motivations du pouvoir après la parodie électorale du 17 avril dernier, qui a maintenu un Président malade pour un quatrième mandat. La première est de meubler une mandature à la recherche d'une légitimité qu'il n'a pu avoir à travers une élection rejetée, contestée par de larges pans de l'opposition et décriée par le principal rival de Abdelaziz Bouteflika, en l'occurrence Ali Benflis, qui n'en a pas reconnu les résultats en dénonçant une fraude massive. La deuxième a pour objectif de donner un sens aux consultations lancées depuis une semaine autour de la révision constitutionnelle boycottées par l'écrasante majorité de la classe politique. Il se pourrait aussi que devant l'imminent rassemblement de l'opposition, le pouvoir voudrait aussi lui couper l'herbe sous le pied avec ses diversités idéologiques et qui a, elle aussi, associé d'anciens responsables du FIS. Le pouvoir fait visiblement une meilleure offre à ses derniers, en leur demandant expressément de monter de nouveau leur projet politique. Paradoxalement, et malgré la tragédie qu'ont vécue les Algériens des années durant, dont les responsables du parti dissous portent l'entière responsabilité, la scène politique n'a jamais été aussi prête à accueillir un deuxième «FIS» mais qui sera fait, cette fois-ci, sur le dos des victimes du terrorisme et de tous ceux qui se sont sacrifiés dans la lutte contre les hordes sauvages qui ont assassiné des centaines d'intellectuels ; des milliers d'enfants ; autant d'hommes et de femmes sans défense ; des bébés et des vieux ; des jeunes appelés du service national, qui ont laissé leur vie au détour d'un virage dans les maquis islamistes… En somme, avec une telle évolution politique dans notre pays, il y a une conclusion à tirer : au-delà des calculs qui peuvent être faits par les uns et les autres, le pouvoir et/ou l'opposition, il est à constater que la question du retour des responsables du parti dissous à la pratique politique n'est plus un tabou. Bien qu'il faille souligner une nuance qui peut paraître de taille : à la différence de l'opposition qui offre une tribune à certains de ses responsables politiques, le pouvoir s'affaire à réinjecter dans le circuit même sa branche armée, c'est-à-dire ceux qui sont directement liés à la violence dont Madani Mezrag, ex-chef de l'AIS, qui reconnaît avoir tué. Mais est-il important de relever cette nuance entre la violence et sa matrice idéologique ? Le quatrième mandat de Bouteflika réservera certainement d'autres surprises.