L'homme arrêté depuis presque un mois est accusé par le parquet de «publication de photos et de vidéos qui touchent à l'intérêt national» et d'«outrage à corps constitué» Une peine de trois ans de prison ferme a été requise par le procureur de la République de Ghardaïa à l'encontre de Youcef Ouled Dada, 47 ans. L'homme arrêté depuis presque un mois est accusé par le parquet de «publication de photos et de vidéos qui touchent à l'intérêt national» et d'«outrage à corps constitué». En fait, la justice reproche à cet informaticien d'avoir filmé et diffusé sur le Net des images compromettantes concernant trois policiers. Elles montrent «trois policiers en train de commettre des vols à Guerrara», une commune dépendant de la wilaya de Ghardaïa. Les vols en question se sont déroulés le 24 novembre 2013, au début des affrontements intercommunautaires. Pour le collectif d'avocats, les chefs d'accusation ne sont pas justifiés et la gravité des faits reprochés à leur client n'a pas raison d'être. «Rien ne peut justifier l'application des articles 148 et 96 du code pénal, Il n'y a pas en la matière d'outrage à corps constitué», fulmine Me Ahmine Noureddine, l'un des neuf avocats de la défense. D'autant que le prévenu nie avoir réalisé cette vidéo et assure qu'il n'a fait que la partager sur facebook, selon la défense. «Il a déclaré qu'il avait reçu, comme d'autres, les images sur son ordinateur et qu'il les a partagées sur les réseaux sociaux, explique Me Ahmine. Mais il dément en être l'auteur.» «Dans ce procès, au lieu d'enquêter sur la réalité des faits, on poursuit la personne qui les dénonce», a déclaré à El Watan Me Amine Sidhoum, lui aussi avocat de la défense. «En réalité, la population est prise en otage. Ceux qui dénoncent sont poursuivis et ceux qui ne dénoncent pas sont également poursuivis pour non-dénonciation. Que doit faire, dans ces conditions, la population ?» s'est exclamé Me Sidhoum. En outre, le collectif d'avocats regrette l'utilisation et l'instrumentation de la justice afin de mettre la pression sur la population, il craint que ce procès ne fasse qu'augmenter le ressentiment entre les deux communautés. «La justice veut faire pression sur la population pour la dissuader de diffuser des images compromettant les forces de l'ordre», déclare Me Ahmine, qui avertit des conséquences que pourrait avoir une condamnation sur le fragile équilibre qu'il y a entre les deux communautés. «Si la justice décide de suivre le parquet, les conséquences pourraient être très graves.» La ville de Ghardaïa vit depuis des mois au rythme d'affrontements entre la communauté mozabite et les autres populations arabophones. Malgré le déploiement de près de 10 000 policiers et gendarmes, ces heurts ont déjà fait plusieurs victimes. Ces affrontements se sont soldés par la mort de neuf personnes et plus de 400 blessés. A cela s'ajoutent d'importants dégâts matériels, dont des centaines de maisons et de magasins pillés puis incendiés.