Invité par l'association des professeurs de l'université de Laghouat, Mouloud Hamrouche a animé, dans la matinée d'hier, une rencontre avec la société civile de cette wilaya. La manifestation a eu lieu à la maison de la culture Abdallah Ben Keriou. Face à une salle moyennement pleine (un public d'environ 150 personnes), M. Hamrouche a rappelé à l'assistance, une fois de plus, la nécessité d'aller vers un large consensus national et de dialoguer avec toutes les composantes de la scène politique algérienne, pouvoir compris. C'est le seul moyen, selon M. Hamrouche, de garantir à l'Algérie une sortie de crise sans heurt ni violence, et l'édification d'un Etat moderne. Cela dit, si M. Hamrouche a l'idée d'impliquer le pouvoir dans le concept du consensus national, cela ne l'empêche pas, pour autant, de tenir des propos très sévères à son encontre. «Le pouvoir en place a échoué, dit-il. Il a échoué dans l'application de ses idées, si tant est qu'il en ait. Il n'est plus capable de résoudre les problèmes. Il n'est même plus capable d'appliquer la loi de la République tellement il est gangrené par le clientélisme, les calculs politiciens, et le régionalisme.» Il a répondu aussi, de façon nette et tranchée, à ceux qui prétendent que son seul souci est de revenir, à la faveur de la transition démocratique, sur l'arène politique. «Je ne me suis pas présenté, et pourquoi devais-je me présenter ? Dans quel but ? Quelle finalité ?» s'interroge-t-il. Et d'ajouter : «Dès 1995, j'ai dit à l'ancien président Zeroual que ce n'était pas tout d'être élu, que les élections ne résolvaient pas tous les problèmes de la société.» S'entend par là : on peut servir «autrement» l'Etat, sans pour autant tenir les rênes du pouvoir. «Je ne cherche à remplacer personne, ni à avoir un quelconque poste. En principe, à cette heure, je devrais être à la retraite, mais je ne peux pas rester impassible face à ce qui se passe. Qu'on le veuille ou non, on a tous une responsabilité, y compris dans le rang de l'opposition. Faut-il rester les bras croisés et assister en spectateur à notre mort collective ? Faut-il regarder, sans bouger le petit doigt, l'effondrement des institutions de l'Etat ? Moi, je m'y refuse !» Changement pacifique Pour M. Hamrouche, l'Algérie est face à deux réels dangers bien spécifiques : d'abord, le statu quo, et tous les méfaits qu'il génère (généralisation de la corruption, absence d'Etat de droit, recul des acquis démocratiques…) ; ensuite, «l'implosion», la «fitna», avec son lot d'émeutes, de désordre, d'anarchie, voire, qui sait ? le retour à la décennie noire. Pour M. Hamrouche, les deux scénarios sont à éviter coûte que coûte, d'où la nécessité de se diriger vers un consensus national, où aussi bien l'opposition que le pouvoir, ainsi que la société civile, seront impliqués. C'est la seule voie, selon lui, à même d'amener le changement de manière pacifique, loin de la fureur et du bruit. «Regardez ce qui se passe en Libye ou en Syrie, ils ont toutes les peines du monde à stabiliser leurs Etats pour l'unique raison que la société civile et les acteurs démocratiques de ces pays respectifs n'ont pas, au préalable, penser à un consensus national et à l'élaboration d'une transition.» Toutefois, il persiste et signe : ni la transition ni les réformes démocratiques ne peuvent aboutir sans l'aval de l'armée. Mieux que cela, il dira qu'un consensus national doit, en plus d'englober les représentants du système, obtenir les garanties de l'armée. «Sans quoi, c'est l'impasse !» Et de donner pour exemple le cas Sant' Egidio, dont la plateforme n'a pu aboutir, selon lui, car les représentants du pouvoir ont dès le départ été écartés. Pour M. Hamrouche, personne n'a la science infuse et personne ne peut prétendre trouver les solutions à même de sortir l'Algérie de la crise sans concertation. Toutefois, il reste convaincu que le dialogue et le consensus national dirigeront le pays vers un début de réponse. Il faut savoir que M. Hamrouche, qui a pris part la semaine dernière à Alger à la conférence de la Coordination pour les libertés et la transition démocratique, est l'une des très rares personnalités politiques, cataloguée «opposition», à ne pas avoir (encore) décliné l'invitation d'Ahmed Ouyahia pour les consultations en vue d'élaborer une nouvelle Constitution. Toutefois, il n'a pas, pour autant, accepté l'invitation, et se contente, pour l'heure, de maintenir le suspense. «Je suis un fils du régime, mais je suis l'un des premiers à avoir réclamé le changement de ce régime, déclarera-t-il avant de lancer : Tôt ou tard, le mur finira par tomber, mais ce qui importe est de gérer cela, et d'éviter au pays l'implosion.» «les solutions existent…» Enfin, il faut savoir que cet ancien chef de gouvernement (1989-1990) multiplie les sorties médiatiques ces dernières semaines pour sensibiliser tout un chacun sur son projet de consensus national. Outre sa participation à la conférence de la CLTD, il a également animé, le 24 mai dernier, une rencontre à Oran, où encore une fois il a appelé à un consensus pour l'édification d'un Etat moderne, avec la participation de tous les acteurs politiques, sans exclusion. S'agit-il alors d'un préambule à une vaste tournée nationale qui aura pour effet de donner plus de «tonus» à sa démarche ? Il nous répondra du tac au tac : «Effectivement, je suis disponible, par ce geste, j'exprime une disponibilité. Je suis prêt à répondre à toutes les invitations et même à m'impliquer, porter la bonne parole et expliquer aux Algériens que quand bien même nous sommes dans une impasse, les solutions existent. On ne doit pas attendre une implosion ou un effondrement, alors qu'il y a des possibilités de solutions. Evidemment, sans un travail sérieux, et une mobilisation raisonnable, on ne peut pas éviter l'effondrement, et c'est ce qu'il faut précisément éviter au pays.»