Cette année encore, la production de cerises atteint un niveau appréciable. Elle devrait s'élever à 70 000 quintaux, selon les prévisions de l'Institut technique de l'arboriculture fruitière et de vigne (ITAF) et ce, malgré les caprices de la météo. Un climat doux et les dernière chutes de pluies n'ont pas été néfastes pour la récolte du fruit rouge. «La cerise était déjà au stade de grossissement», se réjouit Mahmoud Mendil, le directeur général de l'ITAF. C'est une année à cerises», renchérit Kaci Boukhalfa, inspecteur phytosanitaire à la direction des services agricoles de la wilaya (DSA) de Tizi Ouzou. Cette dernière a organisé il y a quelques jours la fête de la cerise à Larbaâ Nath Irathen, un événement à la fois culturel et économique. En effet, en plus de rendre hommage à cette culture qui constitue une source de revenus pour de nombreuses familles, en particulier à Larbaâ Nath Irathen et Aïn El Hammam, cette manifestation était aussi une occasion pour les agriculteurs d'écouler leur récole à des prix intéressants pour les consommateurs, de 200 à 350 DA le kilo. Durant cette rencontre, des conférences ont été animés par des experts en la matière. Une partie importante des débats a porté sur les difficultés rencontrées par les producteurs, notamment, le manque de main-d'œuvre au moment de la cueillette. «Pour cueillir les cerises, il faut des gens agiles et une techniques particulières. En plus, il s'agit d'un arbre volumineux et dangereux», précise Kaci Boukhalfa. Et d'ajouter : « 2014 est une année exceptionnelle pour la production de cerises en Kabylie, grâce aux conditions climatiques favorables. Elles ont permis une bonne floraison et la formation du fruit. L'irrigation a permis de pallier au manque d'eau en avril. Les campagnes de sensibilisation contre le capnoïde, insecte ravageur des cerisiers, se sont elles aussi révélées efficaces car nous n'avons pas eu de dégâts cette année.» C'est aux investisseurs privés de prendre des initiatives Avec une production annuelle de 17 745 quintaux, Tizi Ouzou fait partie des principaux pourvoyeurs du pays en cerises. La culture du cerisier s'étale sur une superficie de 1168 hectares. En deuxième position vient Tlemcen avec 13 600 quintaux, suivie de Médéa, où sont produits un peu plus de 8600 quintaux. À noter que la culture du cerisier s'est étendue à d'autres wilayas telles que Souk Ahras (5035 qx), Skikda (3213 qx), Khenchela (2900 qx), Jijel (2108 qx), Béjaïa (785 qx), Bouira (618 qx), Batna (563 qx) Bordj Bou Arréridj (487), Mila (368 qx) et d'autres régions qui n'étaient pas connues pour la culture du cerisier. «Des essais ont été réalisé dans ces régions dans le cadre du Programme national dedéveloppement agricole (PNDA) pour implanter la culture du cerisier qui est appelée à se développer davantage dans les prochaines années. Certes, on ne verra pas de grandes étendues de cet arbre comme en Allemagne ou en Belgique mais on trouvera des poches sur tout le territoire national», décrypte Mahmoud Mendil. Mais pourquoi donc ? «Il faut être réaliste», répond notre interlocuteur. Selon lui, notre pays ne peut pas tout produire et en quantités suffisantes, il faut faire des choix stratégiques. «Certains produits sont nos points forts, les agrumes d'Algérie sont de très bonne qualité, nous avons l'olive de table, l'olive à huile, la figue... Ce sont les produits sur lesquels nous devons concentrer nos efforts pour améliorer la productivité du verger et les superficies pour couvrir les besoins locaux et continuer à exporter. Le reste, ce sont des produits de ‘niche' comme la pomme. A un moment donné nous avons tenté de pratiquer la culture irriguée de la pomme, mais nous sommes revenus dessus car nous avons besoin des terres en irrigué pour produire des agrumes, du raisin et des céréales. Il y a une concurrence autour de l'eau, d'où la nécessité de faire des choix», explique le directeur général de l'ITAF, jugeant que la culture du cerisier va continuer à se développer mais désormais, c'est aux investisseurs privés de prendre l'initiative, de faire des essais pour trouver de nouvelles régions adaptées à cette culture. L'ITAF peut leur fournir l'assistance technique nécessaire, sachant qu'il s'agit d'un fruit qui exige beaucoup de froid (minimum 1000 heures de froid inférieur à 7°) un climat qu'on trouve généralement en zone de montagne, dans les hauteurs de la Kabylie, et les plateaux de montagne de Tlemcen et Miliana. Quand à l'Etat, il intervient en fonction des besoins et de l'avancée du secteur agricole et des filières. Dans les années 2000, la filière avait beaucoup de problèmes. Le cerisier était menacé de disparition, le PNDA comportait une série de mesures pour venir en aide aux agriculteurs, notamment le financement des essais et les plants qui étaient soutenus à 280 DA. Depuis environ cinq ans, la filière est en train de se reconstruire. De ce fait, l'Etat a orienté ses investissements vers l'amélioration des pratiques agricoles et la sauvegarde la terre pour une plus grande professionnalisation et organisation de la filière. L'heure est à la création de coopératives pour regrouper la production dans l'objectif d'une meilleure distribution. «Il faut savoir que pendant que la cerise inonde les rues d'Alger, dans certaines régions, elle n'est encore arrivée sur le marché, la distribution ne se fait pas comme il se doit», révèle notre interlocuteur. «Les coopératives vont améliorer le conditionnement de la cerise, sa distribution et vont devenir le moteur de l'investissement en dégageant des moyens financiers pour continuer de planter des cerisiers. L'Etat est passé de la phase d'investissement dans la production à la professionnalisation de la filière», a ajouté Mahmoud Mendil. 150 grammes par ménage par an La demande quant à elle, est à satisfaire. L'année dernière, la production était de 60 000 qx, soit 6 millions de kilos pour une population de 40 millions d'Algériens. Chaque ménage consomme ainsi annuellement une moyenne de 150 grammes de cerises. «L'objectif est de fournir annuellement au moins un kilo par habitant, l'équivalent en production d'environ 400 000 qx. En plus de 50 000 qx qui seront orientés vers la transformation en confiture, mais pas n'importe quelle confiture», révèle notre interlocuteur. «Il ne s'agit pas de produits standards car pour ceux-là, il est plus intéressant pour l'Algérie d'importer la matière première étant donné qu'on ne peut pas produire en quantités suffisantes et à des coûts intéressants pour le consommateur. Il serait intéressant d'avoir une confiture spéciale, qu'on pourrait classer parmi les produits de terroir à vendre lors de la Fête de la cerise organisée à Miliana et Larbaâ Nath Irathen. C'est ce qui permettra de valoriser les potentialités touristiques des régions de montagne et de développer l'agrotourisme», a-t-il expliqué.