Le harcèlement sexuel en milieu professionnel, un phénomène qui semble s'amplifier en Algérie. Selon une enquête récente de la Fondation algérienne pour la promotion de la santé et de la recherche (Forem), une femme sur deux subit un harcèlement sexuel dans le milieu du travail et à l'université. De nombreuses travailleuses subissent le diktat des harceleurs en silence dans différents secteurs des activités économiques et administratives du pays. Si certaines refusent d'abdiquer, brisent la loi du silence et saisissent les instances judiciaires, d'autres subissent le martyre avec une angoisse permanente de se rendre sur les lieux du travail. Un mal qui ronge des centaines d'Algériennes, non sans conséquences fâcheuses sur leur santé et leur sécurité. La Fondation algérienne pour la promotion de la santé et de la recherche (Forem) vient encore une fois le prouver à travers une enquête sur le harcèlement sexuel dans les milieux professionnel et universitaire, réalisée lors du premier trimestre 2014 à travers 4 wilayas (Alger, Blida, Guelma, Tipasa) du pays dans le secteur public (santé, postes, finances) et dans 15 wilayas pour le milieu universitaire. Un questionnaire a été distribué et rempli de façon anonyme. Il comporte 15 questions et 20 sous-questions pour 3207 étudiantes, dont 2886 Algériennes, 341 étrangères et 600 travailleuses, soit au total 3807 personnes. Différentes définitions de harcèlement sexuel ont été proposées, dont, entre autres, le viol de l'intimité, paroles et actes obscènes, faits surtout par les hommes, acte immoral et aussi atteinte à la dignité, l'honneur et la vie privée des femmes, pratiques dégoûtantes par certains hommes envers les femmes et agression sexuelle verbale ou non. A la question de savoir de quelle façon le harcèlement se manifeste, 65% des travailleuses répondent qu'il se manifeste de façon verbale et non verbale et les auteurs sont généralement le directeur dans 30% des cas, les chefs de bureau dans les 20% des cas et 14% ce sont les agents de sécurité. Menace et représailles en cas de refus Quant à l'endroit où l'acte est généralement commis, les femmes interrogées relèvent que cela se passe dans le bureau du directeur, 26%, et pour 23% pendant le travail et affirment que les harceleurs procèdent de différentes manières. Si certains invitent ces femmes dans des endroits suspects, ferment la porte du bureau, regardent avec insistance, dévisagent, font des remarques sur l'apparence physique, d'autres invitent de manière répétée, profèrent des menaces de représailles et pratiquent des attouchements. Ainsi, l'enquête a démontré à travers les questions posées que 50% des travailleuses ont rapporté des histoires liées au harcèlement sexuel dans le milieu du travail. Classé sur une échelle de 1 à 10 pour évaluer l'étendue, le phénomène est au degré 101, soit au point 5. Le regard avec insistance est relevé de manière systématique dans les 71% des réponses, suivi d'invitation de manière répétée, de promesses de récompense, de remarque sur l'apparence physique et attouchements, demande explicite de voir le corps de la femme en échange de l'épouser. «Un directeur d'une société demande une relation sexuelle avec une travailleuse au sein de la même strcture sous la menace d'expulsion de son travail avec son fiancé», ont rapporté les enquêteurs. A la question : «Quel est le nombre de travailleuses harcelées et l'acte subi dans votre entourage ?», les femmes affirment qu'elles sont de plus de 40,5%. Concernant les étudiantes, l'enquête a été menée dans 15 wilayas du pays dans les filières droit, informatique, commerce, biologie, langues, médecine, sciences économiques et mathématiques à Alger (Alger 1, Alger 2, USTHB, INV, ENS Kouba, ENSE), Blida, Tipasa, Boumerdès, Tizi Ouzou, Bouira, BBA, Guelma, Skikda, Biskra, Aïn Defla, Chlef, Tlemcen, Oran et Ghardaïa. L'enquête a révélé que 45,11% d'étudiantes algériennes ont été victimes de harcèlement sexuel ainsi que 37% des étudiantes étrangères. 45,11% d'étudiantes ont subi le harcèlement sexuel Les auteurs de ces actes restent pour les deux catégories l'enseignant et respectivement l'administrateur et les agents de sécurité. Elles sont donc près de 60% à penser que les enseignants sont les premiers auteurs de ces actes indignes, à savoir «échange physique» pour avoir l'année, promesses de notes et d'argent, remarques sur l'apparence physique en salle d'étude, invitation de manière répétée, attouchements et baisers. Quant aux lieux, les étudiantes ont signalé que c'est généralement à l'université, en salle d'étude, au bureau et dans le transport. A l'issue des résultats de cette enquête dirigée par les docteurs Mostefa Khiati, Sabrina Gahar, Abdelkader Sahraoui-Tahar, la Forem recommande le durcissement de l'article 341 bis du code pénal et l'inclusion dans la législation du travail de sanctions administratives : blâme, suspension, voire licenciement de l'auteur, et la sensibilisation du personnel en milieu de travail et en milieu universitaire, mise en place de conseillers psychologiques et d'une ligne verte.