Depuis Lisbonne où il dirige l'Institut français au Portugal, Azouz Begag, écrivain, ancien ministre, nous fait part de sa joie après la qualification de l'équipe nationale. - La qualification de l'Algérie est historique. Quel sentiment avez-vous eu après ce match Algérie-Russie ? J'étais hier soir dans un café de Lisbonne, la ville où j'habite depuis un an et où je dirige l'Institut culturel français. Et j'ai exulté au moment du but de Slimani. Ce joueur, je le suis depuis des mois au Sporting pour l'inviter à rencontrer notre public de l'Institut... Un coup de tête algérien qui, comme celui de Zidane, restera dans les mémoires du football, mais celui-là qui donnait la qualification à l'Algérie ! Historique ! J'étais hier soir le seul au café à me lever pour applaudir les Fennecs, les larmes aux yeux. Les gens ont ri, puis applaudi avec moi. Cette qualification est une promesse pour le Maghreb et toute l'Afrique. Je trouve que les Algériens ressemblent aux Brésiliens dans leur façon de jouer. Et, ce matin encore, dans les rues de Lisbonne, les Portugais étaient fiers de Slimani et se souvenaient de Rabah Madjer, la légende de Porto. - En général, les victoires de l'Algérie sont accompagnées d'une grande ferveur populaire dans les rues de France, et de débordements. Cela fait-il du tort à l'intégration ? Quant à la ferveur des supporters dans les rues de Lyon, Paris, Marseille... elle est belle, à l'origine. Les Algériens ont tant besoin de dire leur fierté, leur besoin de reconnaissance, de prouver qu'on peut compter sur eux. J'ai remarqué, lors de la victoire contre la Corée du Sud, dans le quartier de la place du Pont à Lyon où je me trouvais, qu'il y avait autant de filles que de garçons à manifester leur joie, brandissant des drapeaux, criant des «One, two, three, viva l'Algérie». Il y avait beaucoup de familles aussi. C'est dire que les Algériens sont sortis dans les rues pour célébrer en famille, paisiblement leur victoire. Pas pour casser. A Lyon, il y a eu des affrontements entre CRS et jeunes, des bombes lacrimogènes, des abribus cassés, des incendies et je voyais d'étranges jeunes cagoulés qui balançaient sur les policiers des projectiles. Ils ne me donnaient pas l'impression d'être des amateurs de football. Les provocations étaient à l'œuvre, ce soir-là. A qui profitent politiquement ces violences ? C'est ce qu'il faut se demander. - Justement, certains, à l'extrême-droite, voudraient interdire ces manifestations de joie. Qu'en pensez-vous ? Les Algériens ont le sang chaud. On ne peut pas le nier. Ce qui s'est passé en Suisse lors du match des Fennecs le montre encore. Je me souviens aussi d'un match contre la France, à Paris, où les supporters avaient copieusement sifflé La Marseillaise. Ces débordements sont très mal vécus et immédiatement exploités politiquement, hélas. C'est le football et les passions qu'il déclenche qui sont en cause. Pas les Algériens. Pour gagner un match de Coupe du monde, il faut de la discipline. Pour apprécier la victoire, il en faut encore plus. Les joueurs ont beaucoup à apprendre aux supporters.