Au coup de sifflet final de l'arbitre sénégalais, les Algériens de Lyon se sont empressés d'investir les rues de la ville et plus particulièrement la place Gabriel-Peri plus connue sous l'appellation toute autochtone de place des "Hommes debout" dans le quartier de la Guillotière. Et des hommes debout, il y en a eu en cette fin de soirée pluvieuse et froide de mardi qui fit chavirer de joie un cœur uni qui ne battait que pour l'amour du pays. Vu sous cet angle, on y perçoit un zeste de démagogie, mais il fallait assister au match, serrés les uns contre les autres, dans le café La Colombe ou Café d'Alger. Lyon avait vite fait de se parer aux couleurs nationales à quelques heures seulement du début de la rencontre et l'on se serait aisément cru à Oran tellement les scènes rappelaient une autre épopée, celle d'Omdurman. Et il n'était certainement pas facile de trouver une place "assise" dans un des cafés populaires du quartier tant ils ont été pris d'assaut par les supporteurs des Verts drapés dans l'emblème national. Au café Le Mondial, l'ambiance colorée, rehaussée par les accents du "bled", prenait toute sa mesure à partir de 17h. Les murs et les vitrines étaient tapissés de drapeaux nationaux, grand format. À 18h, il n'y avait pas une place assise, ni debout non plus, pour suivre un match qu'on n'était même pas certain de regarder. Le serveur au comptoir ne savait même pas si la rencontre allait être diffusée sur Al-Jazeera Sport 2, la seule chaîne disponible chez lui du bouquet qatarien. À côté, dans un autre café, on se serait cru dans un bain maure et les gens s'agglutinaient jusqu'à la porte de l'établissement. Direction le Café d'Alger où quelques places "piétonnes" restaient encore. Il fallait faire vite pour prétendre à un petit espace devant le comptoir. Le match est diffusé sur la chaîne cryptée française Canal + Sport, et à l'heure de jouer l'hymne, le café se lève et entonne tant bien que mal Qassaman, un grand moment d'émotion pour les présents. Tout le monde croit à la qualification, comme tout le Lyon algérien, mais le doute s'installe insidieusement au vu de la piètre prestation de l'équipe. On s'énerve, quelques insultes et noms d'oiseaux fusent de-ci, de-là, mais l'espoir est de sortie. La tête ratée de Slimani, à la 20e minute, allume l'étincelle vite étouffée par le tâtonnement tactique et les maladresses techniques des Algériens. L'agression caractérisée de Bougherra sur un joueur burkinabé finit par achever les plus optimistes. On ne comprend pas cette fébrilité dans le jeu et la mi-temps est sifflée sur un score vierge. À ce moment du match, des supporteurs ne donnaient pas cher de l'équipe surtout avec un football aussi indigent que celui produit lors des 45 premières minutes. Au retour des vestiaires, on se remet à croire au Brésil et lorsque le capitaine algérien délivre les siens, le café explose littéralement. Des "one, two, three, viva l'Algérie" fusent à vous crever le tympan et on assiste à tous les refrains classiques qu'on entend sur les stades d'Algérie. "Nchallah ya rabi l'Algérie qualifiée" montent dans le café rendant aphones les commentateurs sportifs. L'ambiance change et les supporteurs sont transportés à chaque action du jeu. La nuit se prolonge dans la liesse, faisant oublier aux Algériens de Lyon et d'ailleurs la morosité du quotidien pour un instant. Un instant seulement. S. O. (Correspondance particulière) Nom Adresse email