Il ne s'en doutait sans doute pas, mais Cakir Cüneyt l'arbitre turc du match Algérie-Russie (1-1), en sifflant la fin de la rencontre, venait de donner le signal d'une véritable "déferlante" verte qui allait submerger villes, villages, hameaux et mechtas dans tout l'est algérien, d'El Tarf à M'sila et de Jijel à Biskra. Peut-être faudrait-il remonter au 5 juillet 1962, date de l'indépendance de l'Algérie, pour retrouver une telle ferveur, un tel bouillonnement de joie. Ivres de bonheur, quelquefois hystériques, des dizaines, ou peut-être des centaines de milliers de personnes, hommes, femmes et enfants sont, dès 23 heures, dans les rues coloriées de vert et de blanc par la multitude de drapeaux. Rien ne manque à la fête : feux d'artifices, fusées fumigènes, clairons, trompettes et autres vuvuzelas emplissent la nuit que les phares de centaines de voitures sillonnant les rues, klaxons au vent, éclairent davantage. A Constantine, tous les quartiers de la ville, de Sidi-Mabrouk à la Brèche, de St-Jean à El-Kantara et d'Ali-Mendjeli à la cité Daksi, la liesse, déjà sans précédent, est ravivée par les youyous stridents des femmes dont quelques unes, bravant tous les "interdits", sont également dans la rue, partageant la joie de leurs enfants dans une ambiance survoltée, jamais observée du côté du Vieux Rocher. A Sétif, où des feux d'artifice ont commencé à éclairer le ciel dès le but égalisateur d'Islam Slimani, c'est aussi le "tsunami vert". Réceptacle de toutes les allégresses sétifiennes, la place d'Ain Fouara est noire de monde avant même que Sofiane Feghouli et ses camarades ne réalisent qu'ils sont en huitièmes de finale de la coupe du monde de football ! Même ambiance à Jijel, notamment sur la place où le trône le chebek Baba-Arroud, juste en face de la plage Kotama, prise également d'assaut par des milliers jeunes hurlant de joie et "slalomant" entre les innombrables voitures qui forment un interminable cortège lumineux. A El Tarf, des milliers de jeunes et de moins jeunes ont également investis la rue pour crier leur bonheur de voir l'équipe nationale accéder en huitièmes de finale du mondial. Salves de baroud, feux d'artifice et youyous fusant de partout à travers rues et ruelles, créent une ambiance de joie difficile à décrire. En fait, il n'est aucun périmètre de l'est du pays où la liesse ne soit pas présente. Forte, pleine et bruyante. A la mesure du formidable exploit des fennecs qui ont hissé si haut le drapeau algérien dans le ciel du Brésil. Tout le monde n'a désormais qu'un rêve : retrouver "l'ogre teuton", mardi soir, et le terrasser de nouveau, comme il y a 32 ans, au Mondial-1982 en Espagne. Quoi qu'il en soit, répètent tous les supporters rencontrés, la qualification acquise avec les tripes au stade Arena Baixada de Curitiba au Brésil, restera à jamais dans les annales du football algérien.