Après avoir été placé en garde à vue durant 15 heures par l'Office central de lutte contre la fraude et la corruption à Nanterre, mardi dernier, l'ex-président français Nicolas Sarkozy a été présenté devant les juges, qui l'ont mis en examen pour «corruption active», «trafic d'influence» et «recel de violation du secret». Paris De notre bureau Sonné par cette charge judiciaire inattendue, l'ancien président français devait s'exprimer, hier soir, en direct sur TF1 et la radio Europe 1, pour apporter sa version des faits. C'est au cœur de la nuit de mardi à mercredi que le tribunal de Nanterre a annoncé la mise en examen de l'ex-président français. Une première dans les annales judiciaires de la Ve République. Si les charges retenues contre lui devaient être confirmées lors d'un éventuel procès, Nicolas Sarkozy pourrait encourir jusqu'à 10 ans de prison ferme assortie d'une peine complémentaire prévoyant la déchéance des droits civils et civiques. Ce coup de massue judiciaire à Sarkozy fait suite aux interceptions téléphoniques effectuées au début de l'année 2014 dans le cadre de l'enquête sur le financement de sa campagne électorale de 2007, d'où il est sorti victorieux face à sa rivale Ségolène Royal. C'est en plaçant Nicolas Sarkozy et son avocat Thierry Herzog sur écoute téléphonique que les magistrats du pôle financier de Nanterre ont découvert que ces deux personnages, amis dans la vie, échangeaient des informations au sujet de certaines affaires dans lesquelles Nicolas Sarkozy était cité, tels le financement présumé de sa campagne électorale en 2007 par la Libye et les donations financières de la milliardaire Liliane Bettencourt. La concurrence s'aiguise au sein des barons de l'UMP Plus que cela, les magistrats ont découvert que Sarkozy s'était procuré une nouvelle ligne téléphonique sous le pseudonyme de Paul Bismuth. Idem pour Thierry Herzog qui a, lui aussi, ouvert une autre ligne de téléphone. La grande nouveauté dans le dossier Sarkozy réside dans la «corruption active» retenue contre lui. Ce grief risque de compliquer sa défense en cas de procès. Par ailleurs, les magistrats qui mènent l'enquête cherchent à mettre à jour un réseau d'informateurs susceptibles d'avoir renseigné les proches de Sarkozy des procédures judicaires qui pouvaient le toucher directement. C'est d'ailleurs dans ce cadre que d'autres mises en examen ont été prononcées contre l'avocat Thierry Herzog, l'avocat général près de la cour de cassation Gilbert Azibert et l'avocat général auprès de la même cour, Patrick Sassoust. Selon l'accusation, Gilbert Azibert aurait fourni des informations à Sarkozy par le biais de Thierry Herzog sur de nombreux dossiers, en contrepartie de l'octroi d'un poste prestigieux au sein du Conseil d'Etat de la principauté de Monaco. D'après les notes téléphoniques, Nicolas Sarkozy apparaît clairement comme étant le principal «donneur d'ordres», c'est-à-dire le bénéficiaire final des informations obtenues soit par son avocat soit par le biais des deux avocats généraux. Avec cette mise en examen, le retour de Nicolas Sarkozy à la politique paraît de plus en plus compromis initialement prévu pour la rentrée prochaine ou tout au moins pour octobre, l'ancien Président risque de faire de nouveau l'impasse sur cet objectif. Cette situation attise d'ores et déjà les appétits au sein de l'Union pour le mouvement populaire (UMP) dont Sarkozy fut président. Si Alain Juppé, François Fillon ou Jean-François Copé, considérés comme ses potentiels rivaux lors des primaires à la présidentielle de 2017, insistent sur la «présomption d'innocence» de leur compère, il n'en demeure pas moins qu'ils se frottent les mains en coulisses. Ils ne manquent pas de penser qu'un adversaire disqualifié par la justice, c'est déjà ça de gagné…