A la faveur de la 9e édition du Festival culturel national de la chanson chaâbie, une conférence sur la musique chaâbie et sa relation avec les peuples de la région a été animée, samedi dernier, au cercle Frantz Fanon de Riad El Feth par l'anthropologue et chercheur en sociologie, Adel Issam. Cette conférence, enrichissante à plus d'un titre, a permis de remonter loin dans le temps et dans l'espace. L'universitaire Adel Issam s'est appuyé sur sa thèse, soutenue en 2010 à l'université de Bouzaréah et portant justement sur la musique chaâbie et sa relation avec les peuples de la région. Adel Issam estime que l'appellation ‘‘musique chaâbie'' a posteriori va bien avec le qualificatif de musique populaire, mais il s'interroge, toutefois, si elle est réellement une musique populaire. Selon lui, la musique chaâbie est un genre musical et pas seulement un qualificatif d'un type de musique, contrairement à ce que l'on peut penser en prononçant son nom ‘‘chaâbi populaire''. «La musique chaâbie, explique-t-il, est une musique singulière, pas seulement dans sa sonorité et ses airs, mais aussi dans sa conception et sa création, ses conditions sociales, culturelles et politiques, son importance dans la vie des gens, dans leur existence et leur façon d'être. Ce n'est pas seulement un ensemble de sons et de notes complexes, c'est aussi un décryptage des rapports sociaux du contexte algérois.» La musique chaâbie s'est basée sur le système de la nouba. En effet, cette musique se sert, en partie, des mêmes techniques musicales que l'andalou, à savoir les mêmes rythmes, les mêmes modes et le même corpus patrimonial, en tant que dérivé de la musique andalouse. Le conférencier affirme que ce style musical a été cristallisé par le maître incontestable, El Hadj M' Hamed El Anka. Cette figure de proue de la chanson chaâbie a su donner corps au chaâbi et lui fixer des règles précises. Après sa mort, ses disciples directs et indirects ont repris le flambeau. Selon lui, le chaâbi a été créé par la force des événements, des besoins de la société algéroise, par le processus du changement social que connaissait jadis cette société. Toujours selon notre source, en écoutant les deux genres musicaux, l'on fait aisément la différence. «En premier lieu par la sonorité qui est produite par les instruments propres à l'orchestre chaâbi. Ces instruments, d'après les plus anciens dans ce domaine, ont été choisis et intégrés par El Anka lui-même alors qu'ils n'étaient que des instruments d'accompagnement dans la musique andalouse. En deuxième lieu, par sa poésie et les paroles chantées par les deux styles musicaux», argumente-t-il. Le phénix du chaâbi a constitué, en 1926, un orchestre avec des instruments jusqu'à ce jour non utilisés dans la musique andalouse ou changeant de statut dans ces orchestres, tels que les deux banjos, le mandole, ainsi que la derbouka, qui constitue la pièce maîtresse de ce nouvel orchestre. En outre, l'évolution du métier de luthier s'est spécialisée dans la création artisanale pour les orchestres de chaâbi. Chemin faisant, le chaâbi commença à faire des adeptes. «Le processus de création socioculturelle de la musique chaâbie répond à des critères identitaires et devient lui-même une référence identitaire», conclut le chercheur.