Les habitants de Tamassit, un des grands villages de la commune d'Aghribs, à 40 km au nord-est de Tizi Ouzou, ont renoué, la semaine dernière, avec une des ancestrales traditions de Kabylie, à savoir «Timechret». Cette fête conviviale était organisée jadis pour rassembler les villageois et leurs sages en vue de trancher sur toute question d'intérêt commun. A cette occasion, une dizaine de bœufs a été sacrifiée avant de découper la viande et la répartir en parts équitables pour tous les habitants. Cette «Timechret» a été organisée non seulement en signe de «bienvenue» au mois de Ramadhan, mais aussi pour fêter le récent lancement concret par les autorités locales et de wilaya des travaux pour des projets de développement, notamment l'assainissement, l'alimentation en eau potable (AEP), le réseau de raccordement au gaz naturel et un CEM, très attendus par la population. «Le coût des bêtes immolées va être allégé par les innombrables dons financiers de citoyens aisés du village, dont le montant reçu jusqu'ici a atteint 11 millions de centimes. Les familles les plus nécessiteuses recensées par le comité auront leur part de viande gracieusement», a-t-on appris des organisateurs. Tamassit renferme une population d'environ 4500 habitants. En plus du comité de ce village, deux associations, l'une s'occupant des activités culturelles et l'autre de celles sportives, ont apporté leur précieux dynamisme et collaboration dans la réussite de la fête, ajoutent nos interlocuteurs. «L'idée de cette fête a été envisagée depuis plusieurs années, dans le but d'abord d'honorer la mémoire de nos sages disparus, et ensuite de permettre à nos vieux moudjahidine et moudjahidate encore en vie d'intervenir et de donner leurs témoignages concernant la vie villageoise et aussi des forts moments de l'histoire de la Révolution dans cette région, sachant que ces vieux sont en train de nous quitter un à un, emportant avec eux des faits d'armes et d'histoire précieux, notamment sur la Révolution de novembre 1954», dira un autre villageois avec beaucoup de regrets. Il y a de cela une année environ, Lahdoud a perdu une véritable bibliothèque orale en matière d'histoire de la Révolution. Il s'agit de Mme Chabane Hesni (née Khelfa), appelée affectueusement «Nna Hesni n M'henna», une vaillante moussebila. Elle était âgée de plus d'un siècle, mais d'une lucidité inouïe. Le lieu choisi par le comité du village pour le déroulement de la fête a été Lahdoud, un des hameaux faisant partie de Tamassit, situé au pied du massif forestier de Tamgout. Lahdoud est parsemé, faut-il l'évoquer, de faits historiques mémorables. Dda Mohand Chabane, ou «Mohand Ourezki Boukejjir», un des maquisards de la première heure, y vit toujours modestement. «L'homme au seul pied» avait perdu l'autre vers 1959-60 à Medj Errihane, sur le versant d'Ibsekriene, ex-PC de la Wilaya III historique, alors qu'il marchait sur une bombe antipersonnel. Pendant la révolution, Lahdoud, où seules quelques familles résistaient alors aux forces coloniales, avait été un refuge «sûr» en constituant aussi un relais à de successives caravanes de moudjahidine et moussebiline, venant de zones diverses de la région. Mais cela est une autre histoire. La convivialité de cette action collective villageoise incite tout ce monde à en organiser d'autres à l'avenir.