Endossé par le Conseil des ministres dimanche soir, le projet d'ordonnance portant statut de la Fonction publique ne lui reste qu'une seule étape pour entrer en vigueur et rendre justice au un million et demi de fonctionnaires de l'Etat. Surpolitisée, ayant pendant longtemps fait l'objet de tergiversations, la révision du statut de la Fonction publique a fini par devenir une source de tensions sociales, notamment au sujet du volet touchant à la lancinante question de la revalorisation salariale. Syndicats autonomes et UGTA ont mis en avant la nécessité d'accélérer la finalisation de ce projet de loi (élaboré de manière unilatérale par le gouvernement) afin d'ouvrir les voies de négociations relatives à la revalorisation des salaires de près de 1,5 million de fonctionnaires de l'Etat. Il aura fallu attendre près de cinq ans pour que le projet de loi soit enfin endossé par le Conseil des ministres et mettre fin ainsi à une situation de vide juridique qui a eu pour conséquence la fragilisation de la notion de service public et l'affaiblissement du sens de l'intérêt général. Une fois signée, cette ordonnance s'appliquera à l'ensemble des agents qui exercent des fonctions pérennes de l'Etat au titre du pouvoir exécutif, aux fonctionnaires des institutions et des administrations centrales de l'Etat, des services déconcentrés qui en dépendent, des collectivités territoriales, des établissements publics à caractère administratif, des établissements publics à caractère scientifique, technologique, culturel et professionnel. Seuls les magistrats, les personnels des assemblées parlementaires, le personnel de la défense nationale et le personnel des établissements publics à caractère industriel et commercial régis par d'autres dispositifs législatifs et réglementaires. Il définit le système de carrière du fonctionnaire tout en réservant une place importante au système de l'emploi, à travers un régime de contractualisation « rénové et adapté aux nouvelles missions de l'administration », selon le communiqué qui a sanctionné la réunion du Conseil des ministres. Il définit également le système de classification et de rémunération des emplois publics, désormais fondé, outre l'expérience professionnelle, sur le niveau de qualification attesté par des titres, diplômes ou cycles de formation. Le projet de loi a institué de nouveaux organes de concertation, le Conseil supérieur de la Fonction publique et des commissions administratives paritaires qui seront, selon les cas, consultés sur les questions d'intérêt général concernant l'ensemble des fonctionnaires ou sur des questions d'ordre individuel. A ce titre, a-t-on ajouté, il a été conçu de manière à permettre d'adapter les missions de la Fonction publique au nouveau rôle de l'Etat, de garantir l'unité, l'identité et la cohérence d'ensemble du secteur de la Fonction publique en tant qu'émanation de l'Etat employeur. « De même qu'il permettra de favoriser l'émergence d'une administration impartiale, performante, en mesure de répondre aux attentes des citoyens et d'évoluer avec son environnement, mais aussi de rénover la gestion des ressources humaines dans la Fonction publique et de mettre en place un système de formation intégré. » Néanmoins, la déclaration du président de la République, Abdelaziz Bouteflika, devant les ministres pourrait être annonciatrice d'une nouvelle mesure qui limitera le droit constitutionnel à la grève. En effet, le chef de l'Etat a mis en garde les agents de l'administration publique contre « les actions qui tendent à prendre en otage certaines catégories d'usagers du service public ». Faisant allusion aux mouvements de grève, M. Bouteflika a averti que ces actions, « à supposer qu'elles soient sous-tendues par des revendications légitimes et lorsque toutes les voies du dialogue, de la concertation et de la médiation ne sont pas épuisées, ne peuvent être acceptées ou justifiées ». Pour lui, la bataille de la qualité de l'administration peut se gagner, en partie, par l'ampleur et la qualité des investissements consentis en matière d'infrastructures et d'équipements, mais surtout par la qualité de la ressource humaine et sa capacité à maîtriser la science et la connaissance ainsi que les technologies de l'information et de la communication. « L'amélioration de la qualité des services publics passe, aussi et sans doute, par l'amélioration des conditions sociales et de travail des fonctionnaires ainsi que de leurs revenus, qui doivent leur permettre de vivre décemment et dans la dignité et s'élever à la hauteur des exigences de leur charge et des responsabilités qu'ils assument. Ce sont là autant de contraintes sinon de défis, qu'il nous importe, ensemble, de relever. C'est pourquoi, le gouvernement est appelé à inscrire et à prendre, au titre des priorités de son action pour les prochains mois, les mesures visant à assurer un fonctionnement harmonieux, serein et apaisé de l'ensemble des services publics de manière à rétablir progressivement et durablement la confiance entre l'administration et ses usagers. » Il a estimé, en outre, qu'en « rétablissant l'agent public dans son statut de fonctionnaire, le nouveau statut de la Fonction publique tend à lui conférer une série de garanties qui le met à l'abri de l'arbitraire, de l'instabilité et de la précarité, mais il met, aussi, à sa charge des obligations qui ne pèsent sur aucun autre travailleur, dans la mesure où sa fonction ou son emploi lui impose de se consacrer exclusivement au service des usagers de l'administration et des services publics qu'il se doit de traiter de manière indiscriminée dans le respect des principes de l'égalité de tous devant la loi et de l'égal accès au service public. » Le président a, par conséquent, appelé les fonctionnaires, notamment ceux en relation directe avec le public, « à prendre conscience que c'est à travers leur attitude, leur comportement et, surtout, leur manière de servir que s'apprécie l'action de l'Etat et se construit sa crédibilité. » Le Conseil des ministres a endossé, également, la création d'un fonds de réserves des retraités alimenté, en partie, par un prélèvement de 2% sur le produit de la fiscalité pétrolière, une indemnité complémentaire au profit des bénéficiaires de pensions de retraite et d'invalidité dont le montant est inférieur à 10 000 DA et une prime complémentaire mensuelle au profit des bénéficiaires d'allocation retraite dont le montant est inférieur à 7000 DA. A ce titre, le Président a mis l'accent, selon l'APS, sur l'ampleur sans précédent des ressources publiques mobilisées dans le cadre du budget de l'Etat, en insistant sur « l'impérieuse nécessité de maîtriser leur progression de manière à préserver les équilibres macroéconomiques acquis au prix de lourds sacrifices consentis par toute la collectivité nationale ».