L'Irakien Naseer Shamma est l'un des plus brillants joueurs de oûd de sa génération. Il était à Alger dimanche dernier pour un concert mémorable à la salle El Mougar. Comme à chaque concert en Algérie, Naseer Shamma a attiré un nombre appréciable de connaisseurs venus assister à son récital. Ce musicien est une figure singulière dans le paysage artistique du monde arabe. Seul sur scène avec son luth, il opère un charme irrésistible sur tous les publics. Des taqassim de son Baghdad natal aux sonorités espagnoles de l'Andalousie, Shamma repousse les possibilités de son instrument pour explorer un large spectre musical. Plus qu'un simple musicien, il est aujourd'hui apprécié comme un ambassadeur artistique du Monde arabe et de la civilisation islamique, dont il tente de donner une autre image que celle véhiculée par les médias de tous bords. «L'art est une lumière qui chasse l'obscurantisme. Plus la musique s'élève et plus l'intégrisme reculera», a résumé ce compositeur, qui consacre une grande partie de son temps à l'enseignement. Accompagné par trois jeunes talentueux percussionnistes algériens, Nasser Shamma a étrenné un programme inédit en Algérie. Il a entamé son récital par un poignant Li Ghaza mi'at qouba (Ghaza aux mille coupoles). Il a ensuite emporté l'assistance dans un voyage en musique vers l'Irak avec Sayyab, dédié au poète avant-gardiste Badr Shakir Al Sayyab, avant de rendre hommage au peuple syrien puis à Fayrouz avec une brillante reprise de la chanson Baktoub Ismak ya habibi. Plus inattendu, Naseer Shamma a salué le talent de compositeur de… Dahmane El Harrachi ! Il a en effet dévoilé une série de variations sur le thème de Ya Rayah sublimé par la virtuosité hors normes du musicien. Naseer a également tenté une incursion dans la musique maghrébine avec Chams nouba (Soleil de la nouba), une composition qui explore les possibilités de la gamme pentatonique et des rythmes nord-africains, rappelant par moments la musique de l'Algérien Alla, un autre génie du oûd. Le compositeur a, par ailleurs, rejoué d'anciens titres qui ont fait son succès, à l'image de Raqsat faras (Danse de l'étalon) qui fait appel à une impressionnante technique de jeu à une seule main, développée à l'intention d'un de ses élèves irakiens blessé de guerre. Le récital s'est clos sur l'interprétation de Aalam bila khawf, qui donne son nom au concert et résume le message transmis par l'artiste en lutte (et en luth) pour un monde plus paisible.