Nasser Hannachi Le Palais du bey qui accueille les soirées des «Andaloussiates de Constantine», a vibré, mardi soir dernier, aux doux sons du oûd du luthiste irakien, Nacir Chamma, qui a concocté un bouquet musical chargé d'émotion. Les cordes de son instrument vibraient pour les causes arabes. «On ne peut qu'être bien et zen après avoir dégusté un pareil récital», nous dira un enseignant de musique après le spectacle Nacir Chamma. «Il renferme le vrai profil d'un artiste engagé et voué à sa musique», enchaînera un autre couple d'algériens résident en France dont le mari est un féru de musique universelle. L'invité du palais, en présence d'un modeste, mais connaisseur public, qu'il a eu déjà l'occasion de croiser à Constantine, s'est distingué avec un bouquet harmonieux où l'oûd, soutenu par trois percussionnistes, résonnait sans interruption au grand bonheur des mélomanes. L'Algérie dans mes yeux, Nouba chams, Maqam kurde et Un monde sans peur, dernier opus de l'instrumentiste, étaient parmi les morceaux joués. «J'ai fait écouter à ma fille de onze ans trois fois le dernier morceau que j'ai interprété. Et puis je lui ai demandé ce que représentait pour elle cette musique. ‘‘C'était ce monde sans peur'', m'avait-elle répondu», révélera à la Tribune Nacir Chamma dont la prestation était emplie d'émotion surtout lorsqu'il interprétera cette partition sans titre, mais emplie de musicalité et de tonalité ensorcelantes, dédiée aux Syriens. «La situation qui règne en Syrie me préoccupe. Jusque-là j'avais composé plusieurs œuvres durant la révolution du peuple syrien. Néanmoins, depuis, beaucoup de cartes se sont mêlées dont des terroristes, et d'autres pays qui ont faussé la cause revendiquée au départ. Une révolution qui a été actionnée pour un plus dans les acquis de libertés et de démocratie, s'est transformée en un fief de terrorisme dans le monde», déplore l'artiste. Une des raisons qui a poussé le musicien à laisser sans titre cette composition magistrale. Avec des doigtés agiles, explorant de haut en bas, et en toute tessiture son instrument, Nacir Chamma émerveillera ses fidèles mélomanes tout au long de la soirée, dépassant l'heure prévue pour le final. Une étendue généreuse pour un récital de ce niveau dans une ambiance colorée de mélodie divine et rythmée. En une soirée, son oûd a exprimé des mélodies agréablement superposées, qui convergent vers une harmonie de paix. «L'artiste doit être au cœur de l'évènement et non en marge des diverses préoccupations qui minent le monde, arabe notamment. Le musicien est tenu d'être ‘‘le propre'' de son temps dans la situation que vit sa société et son pays. Il doit refléter l'espoir et la douleur dans ce microcosme», nous a-t-il déclaré à la fin de son spectacle. Le luthiste ne manquera pas de mettre en relief la mondialisation de l'oûd «qui est en train de progresser grâce aux écoles dédiées à cet instrument dont ‘‘Beït El oûd''. Les étrangers y viennent s'initier». «Voir l'oûd retentir dans toutes les salles prestigieuses dans le monde est le grand projet pour lequel j'œuvre sans relâche. À Constantine, le projet devra se fortifier l'année prochaine dans le cadre de la manifestation de ‘‘Constantine, capitale de la culture arabe 2015''», ambitionne t-il. Au sujet des conflits engagés dans les pays arabes, il dira : «Notre action envers les peuples arabes en détresse à cause des divers conflits ne s'est jamais arrêtée.» «Même en Egypte, lors des évènements qu'a connus ce pays, notre engagement s'est poursuivi puisque nous nous rendions à Beït El oûd pour y enseigner, car l'artiste doit participer et s'engager totalement dans l'évènement. La vie devait se poursuivre», répond l'artiste à la question de l'influence de sa musique dans le cours des évènements de l'heure. Et Ghaza dans ce maillage confus où rien ni personne n'arrête les bombardements israéliens sur les populations de civils ? «Ni les mots ni la musique ne peuvent exprimer le drame subi par le peuple de Ghaza. Israël pratique une autre forme de nazisme, celle du 20e et 21e siècle, sans motif, si ce n'est le refus d'accepter la conciliation ayant été entérinée en Palestine. Les Israéliens veulent mettre KO Ghaza, même des Algériens ont été touchés dans cette bande de terre. Il faut mettre un terme à ces agissements. Il n'est plus permis d'être en retrait de peur de l'arsenal meurtrier de cette machine meurtrière», répond le luthiste. «Je demeure aux côtés des Palestiniens. Militant ‘‘musicalement'' depuis le soulèvement de 1988, je ne renoncerai jamais à cette cause jusqu'à ce que la Palestine réalise son rêve de fonder un Etat indépendant et libre de toute pression et colonisation», ajoutera-t-il. Concernant les esquisses et projets destinés à la manifestation «Constantine, capitale de la culture arabe 2015», Nacir Chamma affirme qu'un programme est en voie de concertation avec les diverses parties. N. H.