A l'occasion des grandes vacances d'été, il s'opère à Bouzeguène et ses environs proches une migration saisonnière importante. Les villageois, partis chercher fortune en Occident, rentrent au pays pour revoir leurs familles et leurs villages. L'arrivée des émigrés profite surtout aux commerçants de la région qui font des bénéfices énormes durant cette saison. Les premiers émigrés arrivent à partir de la mi-juillet et les salariés en août. Des voitures rutilantes immatriculées en France, en Allemagne et en Belgique prennent le dessus sur le reste du parc routier de la localité. Elles traînent des remorques de voyage, transportent des embarcations avec moteur hors-bord… Depuis au moins une année, de nouveaux émigrés, voire des bi-nationaux, installés en France depuis peu, reviennent au pays avec leurs épouses françaises, celles qui leur ont permis d'avoir des papiers et des permis de séjour. Mohand, un jeune chômeur au bled, il y a à peine quatre ans, est aujourd'hui aux anges. Les émigrés sont impatiemment attendus par leurs familles car ils concourent à l'amélioration de leur niveau de vie. L'habitation est le premier élément d'évaluation de la réussite ou de l'échec de l'émigré. Chacun y va selon « son poids financier », en réalisant une simple villa ou un immeuble de cinq à six étages. Les émigrés n'ont commencé à réellement investir dans le pays que depuis qu'ils ont procédé au regroupement familial, signe de stabilité et de réussite. Cette diaspora représente donc une manne économique appréciable pour la famille d'abord mais aussi pour le village. Les assemblées villageoises qui, durant près de dix mois, d'octobre à juin, ne se réunissent qu'une ou deux fois par mois, organisent durant les mois de juillet et d'août plusieurs assemblées extraordinaires, une manière de faire participer les émigrés et leur faire connaître les problèmes du village. C'est ainsi que plusieurs projets ont pu aboutir grâce à l'apport financier des émigrés. Dans certains villages, des projets comme des réservoirs d'eau potable, des salles de réunions, des tronçons d'assainissement, des maisons de jeunes… sont parfois financés par la communauté d'outre-mer. Les émigrés sont également source d'activité et de création d'emplois. Ouvrant des chantiers de construction, ils emploient de nombreux manœuvres et des maçons pendant plusieurs semaines. Les émigrés ont toujours quelque chose à entreprendre. Ils font venir même des puisatiers de la petite Kabylie pour leur forer des puits. L'arrivée des émigrés ne va pas sans provoquer de réels bouleversements dans le village et à travers les rues animées de la cité commerçante de Bouzeguène. Nul doute que l'arrivée des émigrés dans les villages est toujours bien accueillie. Ils apportent beaucoup d'ambiance et changent très sensiblement le quotidien morose des villageois. Dès la mi-août, les émigrés amorcent le retour. Les voitures rutilantes qui, à l'arrivée, étaient remplies de cadeaux, repartent pleines de sacs de couscous du bled et de bouteilles d'huile d'olive.