La commune de Beni Yenni, à 45 kilomètres au sud-est de Tizi Ouzou, abritera à partir de ce jeudi les activités de la traditionnelle Fête du bijou, une manifestation culturelle qui fait souvent sortir la région de sa torpeur quotidienne. Cette fête s'étalera jusqu'au 15 août en cours. Organisé par le comité local des fêtes et placé sous le haut patronage du ministère du Tourisme et de l'Artisanat, ce rendez-vous sera sans doute une occasion inouïe pour les bijoutiers de promouvoir leur métier qui connaît, d'ailleurs, selon eux, des problèmes, notamment en raison de l'absence de la matière première. Toutefois, le bijou de Beni Yenni garde fièrement et incontestablement sa valeur et son image. Le président de l'APC, Smaïl Deghoul, estime que tous les moyens ont été déployés pour la réussite de cette 11e édition de la fête en question qui se veut un hommage pour l'artisan bijoutier. «Cette année, nous avons enregistré un nombre important de participants (90) venus de différents wilayas du pays», nous a-t-il confié tout en précisant ainsi que cette fête portera notamment sur des expositions du bijou. D'autres artisans spécialisés en sculpture, poterie, tapisserie, la robe kabyle et la vannerie, entre autres, seront aussi de la partie à l'occasion de cette activité qui se veut egalement un carrefour pour l'artisanat local. Deux sites d'exposition ont été choisis pour la manifestation. Il s'agit, en effet, du CEM Larbi Mezani, et la maison de jeunes de la localité. Le programme de cette édition s'articulera aussi sur des conférences et des festivités d'animation artistique, histoire de créer de l'ambiance, surtout en cette trêve estivale où la région est prisée par des centaines de visiteurs pour son implantation tout juste en face des majestueux monts du Djurdjura. Ben Yenni sera ainsi, une semaine durant, la capitale du bijou traditionnel berbère. L'objectif de cette édition est de redorer, à coup sûr, le blason d'une profession ancestrale menacée de disparition. D'ailleurs, pour rappel seulement, nombreux sont les artisans qui ne cessent de tirer la sonnette d'alarme sur la situation du bijou ces dernières années. «Le bijou traditionnel berbère doit retrouver sa place d'antan. Au rythme où vont les choses, le métier risque de disparaître car il ne permet plus de nourrir ceux qui continuent à le pratiquer par passion. Le bijou se vend cher aujourd'hui, pas comme avant. L'argent et le corail sont souvent achetés au marché noir à des prix exorbitants. L'été, c'est la saison propice pour écouler nos produits en raison des fêtes de mariage et surtout avec l'arrivée des émigrés. Il faut que les aides de l'Etat promises chaque année arrivent pour que notre métier puisse continuer à exister car il s'agit d'un riche patrimoine en péril si rien n'est fait pour le sauvegarder. Un héritage ancestral que nous ne voulons pas brader malgré les contraintes qui s'imposent dans le processus de fabrication», nous a déclaré un artisan qui rappelle la cherté de la matière première, le poids de la fiscalité, le manque de circuits d'écoulement et l'absence du tourisme qui ont provoqué cette flambée des prix. La relance du Fonds national pour la promotion de l'artisanat traditionnel (FNPAT) en vue d'octroyer des subventions aux artisans pour l'acquisition d'outillages nécessaires à l'exercice de leur métier est, chaque année, remise sur le tapis, mais les professionnels du métier attendent du concret. «Le métier d'artisan bijoutier se transmet d'une génération à une autre et de père en fils en Kabylie. Mon travail consiste à proposer des bijoux de toutes les formes et de divers modèles qui témoignent de la valeur de notre patrimoine. Je fabrique des bagues, colliers, bracelets, broches et des boucles d'oreilles. Toutefois, la rareté du corail, par exemple, a poussé plusieurs bijoutiers à baisser rideau. Jadis, dans les villages Ath Larbaâ et Ath Lahcene, dans la commune de Beni Yenni, on retrouvait des centaines de bijoutiers, mais maintenant nombreux sont ceux qui ont fermé boutique en raison de ces problèmes qui durent et perdurent», nous a ajouté un autre jeune bijoutier. En somme, c'est dans cette optique justement que les organisateurs de la fête du bijou de Beni Yenni comptent sensibiliser les pouvoirs publics sur la nécessité de la prise en charge effective de ce métier qui risque de disparaître. Ainsi, cette semaine, la région sera la capitale du bijou berbère traditionnel.