La plage du quartier est censée ne plus accueillir les baigneurs en raison des travaux d'aménagement entrant dans le cadre des grands projets de restructuration. Il est 19h30 en ce 10 août et les deux plages dites R'mila et El Kettani sont quasi noires de monde. Des familles en quête de fraîcheur y sont installées devant les grands bassins, coincées entre une digue de rochers et de tétrapodes d'une part, et une petite bande de sable, d'autre part. Dès la première semaine du mois d'août, juste après les fêtes de l'Aïd, les plages ont été prises d'assaut. Il y a celles autorisées à la baignade et celles interdites par arrêté de la wilaya. A l'image des plages dites de Bab El Oued. Si la plage El Kettani est ouverte à la baignade, celle contiguë, R'mila, reste non autorisée, non pas à cause de la pollution — car la station de refoulement des eaux usées de Mira est opérationnelle depuis le mois de juin —, mais en raison de son caractère rocheux et aussi de sa superficie sablonneuse qui se voit réduite à sa portion congrue. En effet, cette dernière est censée ne plus accueillir les baigneurs pour travaux d'aménagement entrant dans le cadre des grands projets restructurants de la baie d'Alger, menés depuis deux saisons sur ce site littoral de Bab El Oued. Mais c'est compter sans la faim et le besoin des bambins de faire trempette en cette saison de grandes chaleurs, quitte à ce que la plage R'mila devienne la plage «hdjira», allusion faite à l'enrochement qui la cerne, ironisent des jeunes en train de taquiner le poisson, juchés sur un grand rocher. Bien que la plaque indique, noir sur blanc, que la plage est interdite à la baignade et, donc, sans surveillant de baignade, les gens y affluent à longueur de journée, ne serait-ce que pour humer la brise marine aux abords d'une mer étale. «Nous n'avons pas les moyens d'emmener nos enfants ailleurs qu'ici pour venir chercher quelque fraîcheur sur ces deux plages proches de nos maisons», disent des mères flanquées de leurs mioches. D'autres parents, habitant Oued Koriche, expliquent leur choix de ce site situé à un lancer de pierre de leur quartier : «Nous ne voulons pas nous aventurer dans les bus le long du littoral, au risque de nous trouver, en fin d'après-midi, coincés, faute de moyens de transport.» Pour l'instant, Poclain, camions-bennes et autres engins de chantier lèvent le pied, tout au plus opèrent-ils au rabais dans cette calanque séparée par deux digues de roches formant de grands plans d'eau sur les deux plages, permettant aux baigneurs de se rafraîchir l'espace d'une saison estivale. Si durant le mois de juillet, les plages étaient quasi désertes, les estivants se rattrapent en ce mois aoûtien pour profiter des bienfaits de la mer. C'est le rush vers la grande bleue. Grands et petits des localités environnantes plantent leur décor, sur un semblant de surface de sable, avec glacières, chaises et parasols. Pendant que les mamans bavardent entre elles, les papas ont un œil rivé sur les petits qui barbotent près du rivage dans une ambiance cacophonique. Des grands-mères, résidant dans les quartiers riverains, n'hésitent pas, elles aussi, à accompagner leurs petits-enfants à la plage, tout en se donnant l'occasion d'échapper un tant soit peu à l'étouffante fournaise et à la moiteur des bas-fonds des quartiers populeux, comme Bab El Oued, Oued Koriche et La Casbah. «Peu importe l'absence de commodités, l'essentiel est de répondre aux caprices des gosses», lance une vieille dame qui dit élire ses quartiers le temps de quelques heures, un jour sur deux, en compagnie de ses chérubins à la plage El Kettani ou à la plage L'Eden, située à l'ouest de R'mila. Alors que des familles regagnent leurs pénates dès les premières lueurs de la lumière vespérale, d'autres ne plient bagage que tard le soir, profitant de la fraîcheur marine et du bruissement des vagues. Avant de rempiler le lendemain.