Un ancien haut responsable d'Air Algérie énumère dans un document confidentiel remis aux services de sécurité, et qu'El Watan a pu consulter, les «défaillances» qui auraient été à l'origine du crash du vol AH5017. Un document au vitriol qui met les responsables des transports devant leurs responsabilités. Près d'un mois après le crash du vol AH5017 d'Air Algérie, les conclusions de l'enquête ne sont toujours pas connues. Un ancien haut responsable d'Air Algérie a remis un document aux autorités algériennes en charge de l'enquête sur ce crash dans lequel il énumère toute une série de failles qui, vraisemblablement, pourraient être à l'origine de l'accident du vol AH5017. Dans son mémorandum, cet ex-cadre de la compagnie nationale met les enquêteurs sur des pistes pouvant expliquer les raisons de ce crash qui aurait pu être évité si la rigueur avait été de mise, à commencer par les conditions d'affrètement de l'appareil. La compagnie aérienne Swiftair, spécialisée dans le fret, avant de se lancer dans le transport des voyageurs «n'est pas membre d'International Air Transport Association (IATA) et encore moins certifiée IOSA qui porte sur la sécurité des appareils», pointe d'emblée cet ancien cadre d'Air Algérie. Ce dernier, dans son document, accuse la compagnie nationale d'avoir changé certaines clauses dans le cahier des charges relatif à l'affrètement. Et d'interroger : «Est-ce qu'Air Algérie a respecté le cahier des charges relatif aux affrètements ? Si oui pourquoi avoir changé certaines clauses qui préconisaient une limite d'âge et la même gamme d'avions que celle qu'elle possède? Quelles sont alors les motivations ?» Cet ancien cadre d'Air Algérie doute également des affirmations avancées jusque-là par les différents responsables du transport, à commencer par le ministre, Amar Ghoul, et le patron d'Air Algérie, Mohamed Salah Boultif. «Est-ce que la DAC a agréé ces avions ? Est-ce que Verital, qui doit donner son accord préalable, a audité l'avion ?», assène-t-il. Pour rappel, Verital est une entreprise publique économique (SPA) qui a pour mission, entre autres, l'expertise et le contrôle technique en aéronautique, la surveillance de la navigabilité des aéronefs immatriculés en Algérie et surtout la réalisation des opérations de contrôle des aéronefs immatriculés en Algérie qui sont requises selon les règles tant nationales qu'internationales applicables pour la délivrance des certificats de navigabilité de ces appareils. Dans son mémorandum, l'ancien employé de AA s'interroge également sur le mode leasing qui devait être changé suite à la demande d'Air Algérie. «Pourquoi ne pas choisir le mode leasing qui est moins cher de 30 à 40 % que l'affrètement conventionnel même si la réglementation devait à un moment changer à la demande d'Air Algérie», interpelle-t-il. Graves failles dans le contrôle de l'appareil Poursuivant sa charge au vitriol, l'ex-employé de la compagnie du transport aérien affirme que l'appareil de Swiftair a subi un contrôle «expéditif» à Marseille trois jours avant, contrairement à la thèse avancée par les autorités algériennes. «L'avion a été contrôlé à Marseille par la DGAC française, mais on sait que c'est un contrôle SAFA qui est expéditif à cause de l'escale, et qui est par ailleurs non approfondi usuellement par manque de temps», désavoue-t-il. Pis encore. «Air Algérie ou la direction de l'aviation civile ont-elles effectué des contrôles SAFA sur les avions affrétés ?» doute-t-il. Très au fait de la gestion de la compagnie nationale, il s'interroge également dans son document pourquoi la compagnie nationale qui, habituellement, affrète des «avions de la même gamme que la sienne, a choisi des MD 83 vieux de dix-huit ans avec des équipements avioniques dépassés ? Pourquoi l'avoir programmé de nuit au Sud sans connaître les vraies aptitudes des pilotes pour ce genre de vol réputé très difficile et confié traditionnellement à des pilotes chevronnés ?» En réponse à ces questions, l'auteur de la note révèle que seuls les pilotes étrangers «acceptent règlementairement de faire des allers et retours sur les destinations Afrique sans coucher alors que nos pilotes refusent illégalement d'appliquer le décret exécutif relatif à la durée de vol. Les équipages préfèrent passer aux frais de AH (sigle aéronautique de Air Algérie) plusieurs jours de repos dans des hôtels 5 étoiles en attendant la relève, d'où la mobilisation d'un équipage supplémentaire». Au passage, cet ancien cadre d'Air Algérie soupçonne l'actuel président-directeur général de la compagnie nationale d'avoir acheté le silence des pilotes en échange de faveurs sociales. «Il semble même que le PDG ait signé en catimini un protocole d'accord avec les pilotes pour acheter leur silence sur le plan social», accuse-t-il. Il en veut pour preuve «le manque de pilotes» due à l'ouverture «tous azimuts de lignes vers l'Afrique et certaines destinations avec pour seul effet l'augmentation pour les équipages d'escales de villégiature inutiles». Selon le document, c'est ce qui justifierait «la présence dans l'avion d'un commandant de bord algérien avec un chef de cabine qui sont allés à Ouagadougou négocier les contrats d'hébergement alors que cette mission incombe à l'administration», incrimine l'auteur dans son document. Les responsables en charge des Transports sont sommés de s'expliquer.