Au moment où les deux assemblées (APN et Sénat) applaudissent à l'unisson l'idée d'une révision de la Constitution dont les amendements à opérer ne sont pas encore rendus publics, la Banque mondiale (BM) vient d'émettre quelques critiques à propos de la gestion des dépenses publiques en Algérie. A l'instar d'autres institutions internationales, la BM craint que les opportunités offertes à l'Algérie par le volume des recettes issues des hydrocarbures ne se perdent pour des raisons d'inefficacité, de gaspillage ou même de corruption, alors qu'elles doivent objectivement servir à créer une croissance à long terme de l'économie et de l'emploi. Ce qui repose encore une fois l'épineuse question de la " bonne gouvernance " dans l'exécution des projets publics, dont les préalables selon les standards de la BM nécessitent la transparence dans les choix et l'exécution ainsi que la responsabilisation de ceux qui prennent les décisions. Si pour les experts de la BM "des enjeux institutionnels et de gouvernance contribuent largement à limiter la réussite du plan complémentaire de soutien à la croissance (PCSC) ", il est à se demander de quels moyens disposent aujourd'hui le citoyen (contribuable) pour le contrôle de la gestion des deniers publics. L'importance de l'investissement public qui représente 10% du PIB en Algérie pousse au droit de regard du contribuable sur la destination des fonds, car dans une démocratie, il appartient aux citoyens, ou à leurs représentants, de déterminer le niveau et la répartition des dépenses publiques correspondant à leurs aspirations. Dans des pays à traditions démocratiques, outre le parlement, des institutions " spécifiques " sont chargées d'assurer un contrôle a posteriori portant sur la régularité et le bon usage de l'argent public, ainsi que de corps d'inspection internes directement rattachés aux ministres. Parfois, certaines institutions de contrôle des comptes disposent d'un pouvoir juridictionnel comme c'est le cas du tribunal de Cuentas en Espagne ou les cours des comptes en France et en Belgique. Des institutions chargées de vérifier l'exactitude des comptes publics et la régularité des opérations budgétaires. Certaines d'entres elles se sont également vu confier la charge d'examiner le bon emploi de l'argent public. Quant aux moyens du Parlement en matière de contrôle budgétaire, il dépend pour l'essentiel de son influence sur l'élaboration et le vote du budget de l'Etat, mais également des moyens humains et juridiques dont il dispose pour contrôler le gouvernement. Ce qui est encore loin d'être le cas en Algérie. De l'avis de spécialistes, les parlements des pays anglo-saxons ont davantage d'instruments à leur disposition pour exercer un contrôle approfondi sur le budget de l'Etat. De l'absence d'une loi de règlement budgétaire, en passant par une gestion opaque du fonds de régulation des recettes, et le tout couronné par l'absence de contre-pouvoirs faisant de l'exécutif juge et partie. Le ministre des Finances Mourad Medelci a indiqué récemment que la réforme portant modernisation du système budgétaire (MSB) vise " le remplacement de la budgétisation de moyens par une budgétisation axée sur les résultats et laquelle introduit plus de souplesse et qui situe de façon plus précise les responsabilités ". Il a souligné " l'ambition légitime d'améliorer en continu nos systèmes de gouvernance dans la sphère publique et d'insuffler dans le corpus de nos administrations à la fois des instruments nouveaux d'analyses, mais également et surtout une rationalisation des systèmes de gestion ". Un aveu d'impuissance pour le contrôle de l'argent public en attendant des jours meilleurs.