En l'espace de deux mois, l'économie mondiale a basculé, virant au rouge en raison de la crise financière qui a touché de plein fouet différents pays. La crise née aux Etats-Unis s'est, en l'espace de quelques semaines, propagée à travers le monde, constituant ainsi une menace sérieuse pour l'économie mondiale. Cette menace pèse lourd et n'a pratiquement épargné aucun pays, qu'il soit riche, émergent ou en développement. Si les conséquences commencent à se faire sentir dans certaines régions, notamment en Europe où la récession a commencé, c'est l'inquiétude dans d'autres pays. Et c'est le branle-bas de combat pour trouver des solutions urgentes face à cette situation. Au moment où les riches de ce monde se réunissaient samedi et dimanche derniers pour mettre en œuvre une nouvelle régulation internationale et réformer la gouvernance mondiale à travers l'adoption d'un plan d'action commun visant à relancer l'économie et éviter une nouvelle crise, les pays en développement, par le biais de l'Indonésie, ont pris l'initiative de proposer la création d'un fonds spécial destiné à les aider à faire face à la crise financière. Accroissement des financements et des dons «Alors que nous nous préparons à des temps difficiles, je veux souligner l'importance de protéger les pays en voie de développement», a expliqué vendredi dernier le président indonésien, Susilo Bambang Yudhoyono, estimant qu'il fallait s'«assurer que les budgets» destinés à ces pays «ne soient pas compromis». «C'est pourquoi je vais proposer la création d'un fonds mondial de soutien aux dépenses pour aider les pays en développement à maintenir la croissance de leurs économies», a-t-il précisé. Le président indonésien a expliqué que ce fonds pourrait être disponible pour les pays «aux revenus moyens» pour un minimum de trois ans. En somme, tout le monde s'accorde aujourd'hui à dire qu'il y a lieu de riposter rapidement à cette crise. Dans ce cadre, le groupe de la Banque mondiale a annoncé mercredi dernier, c'est-à-dire avant le sommet du G20, qu'il accroîtra fortement son appui financier aux pays en développement, notamment en procédant au lancement ou à l'élargissement de la portée de quatre mécanismes en faveur du secteur privé frappé par la crise. Car ce secteur revêt «une importance cruciale pour l'emploi, la reprise et la croissance», rappelle la BM dans son communiqué. La BM compte appliquer son programme à travers ses différentes filiales. Ainsi, la Banque internationale pour la reconstruction et le développement (BIRD) pourrait prendre de nouveaux engagements à hauteur de 100 milliards de dollars pour les trois prochaines années. Cette année, le volume des prêts pourrait pratiquement tripler pour dépasser 35 milliards de dollars, contre 13,5 milliards l'année dernière. Cet accroissement de l'appui financier permettra, toujours selon la BM, d'éviter l'aggravation de la situation des plus pauvres et des plus vulnérables. L'objectif recherché également à travers cette action est d'apporter un soutien financier aux pays qui affichent d'importants déséquilibres budgétaires. Il s'agit aussi de contribuer à la poursuite des investissements à long terme dont la reprise et le développement futur sont tributaires. Parallèlement à l'accroissement de ses financements, la BM s'engage à accélérer l'octroi de dons et de prêts à long terme ne portant pas intérêt aux 78 pays les plus pauvres du monde, dont 39 se trouvent en Afrique. Dans ce sillage, la BM a décidé de renforcer son appui au secteur privé par le biais du lancement ou de l'expansion de quatre initiatives de la SFI (Société financière internationale) qui est, pour rappel, l'institution du groupe chargé des opérations avec le secteur privé. Ces nouveaux mécanismes de la SFI devraient réunir environ 30 milliards de dollars au cours des trois prochaines années et permettre de s'attaquer aux problèmes rencontrés par le secteur privé par suite de la crise financière mondiale. Les quatre mécanismes de la Banque mondiale face à la crise A travers le premier mécanisme, intitulé «programme élargi de financement du commerce», la SFI prévoit de doubler le montant de son programme de financement du commerce mondial pour le porter de 1,5 milliard de dollars à 3 milliards. Les garanties émises dans le cadre du programme auront une durée moyenne de six mois et fourniront ainsi un appui à hauteur de 18 milliards de dollars aux crédits commerciaux à court terme au cours des trois prochaines années. Le mécanisme élargi profitera aux banques participantes basées dans 66 pays, dont certains comptent parmi les 78 pays les plus pauvres du monde. Le programme offre aux banques des garanties partielles ou totales pour couvrir le risque de remboursement associé aux transactions commerciales. Pour le second mécanisme, c'est-à-dire le fonds de recapitalisation des banques, la SFI compte lancer par le bais d'un investissement d'un milliard de dollars (sur trois ans) un fonds de participation mondiale pour recapitaliser les banques en difficulté. Car, expliquent les experts de la BM, de nouvelles faillites bancaires auraient pour effet de compromettre encore plus l'activité économique et, partant, d'aggraver la pauvreté dans les pays en développement. Pour cette opération, la SFI envisage l'augmentation du montant arrêté. S'ajouteront en effet à ce montant au moins 2 milliards de dollars fournis par d'autres investisseurs. L'autre mécanisme prévu par la BM à travers sa filiale SFI est intitulé «appui à l'infrastructure en crise». Cet instrument contribuerait à la recapitalisation de projets d'infrastructure existants, viables et financés par des capitaux privés qui se heurtent à de graves difficultés financières. Pour le fonctionnement de ce dispositif, la SFI compte investir au moins 300 millions de dollars sur trois ans et mobiliser entre 1,5 et 10 milliards de dollars auprès d'autres sources. Le dernier mécanisme de la SFI concerne les services-conseil. Pour cette opération, la BM a entrepris de réorienter ses programmes de services-conseil, actuels services bancaires, destinés aux petites et moyennes entreprises. Et ce, dans le but de permettre à ces PME de mieux aider leurs clients à traverser la crise actuelle. Les besoins dans ce cadre sont estimés à 40 millions de dollars. Les prévisions de la croissance revues à la baisse Enfin, à signaler l'engagement de l'Agence multilatérale de garantie des investissements (MIGA) (l'institution du groupe de la Banque mondiale chargée de fournir des assurances contre le risque politique) à appuyer les secteurs financiers des pays en développement en proposant des garanties aux banques étrangères qui contribuent à injecter sur ces marchés les liquidités dont ils ont tant besoin. Tout en essayant d'apporter des solutions à cette crise, la BM n'a pas manqué, comme l'ont fait d'autres institutions, de réviser sa copie concernant la croissance économique. Ainsi, la BM a révisé à la baisse ses prévisions de l'expansion économique des pays en développement. L'estimation du taux de croissance est désormais de 4,5% pour 2009, contre 6,4% selon les projections antérieures, en raison à la fois des troubles financiers, du ralentissement des exportations et du fléchissement des prix des produits de base. L'institution prévoit que les économies des pays à revenus élevés se contracteront de 0,1% durant l'année qui vient tandis que l'économie mondiale peinera à afficher une expansion de 1%. Selon la BM, le brusque resserrement du crédit et le tassement de la croissance auront probablement pour effet de réduire les recettes publiques et la mesure dans laquelle les autorités nationales peuvent investir pour atteindre les objectifs tracés, notamment sur le plan social. Cette situation entraînera par ailleurs une baisse des dépenses d'infrastructure en dépit de leur nécessité dans le maintien de la croissance. Selon les dernières estimations, une diminution de 1% des taux de croissance des pays en développement aura pour effet de faire basculer 20 millions de personnes de plus dans la pauvreté. Cent millions d'êtres humains ont déjà subi ce sort par suite du niveau élevé des prix des denrées alimentaires et des combustibles. La crise ira donc en s'aggravant. «La crise financière mondiale, qui suit de si près les crises des prix des denrées alimentaires et des combustibles, sera probablement plus préjudiciable aux populations pauvres dans les pays en développement», a expliqué à ce sujet M. Zoellick. Ce sont toujours les pauvres qui payent. S. I.