Oued Z'hor. Un bout de paradis est abandonné là-bas. A mille lieues de l'effervescence estivale d'ailleurs, cette petite bande côtière est en hibernation. Depuis exactement deux décennies, la plus sublime des plages de la wilaya de Jijel n'a pas renoué avec son effervescence d'antan. Tombée dans l'oubli, elle est la plus naturelle des plages qui se retrouve abandonnée. Criant à tue-tête au massacre qui a ruiné la fameuse sablière de cette côte, des riverains affirment que la plage s'est nettement dégradée ces dernières années. «Un sérieux coup a été porté à l'environnement, la plage n'est plus ce qu'elle était», dénoncent ils. Coincée dans un bout de territoire entre Jijel et Skikda, Oued Z'hor appartient, en fait, à l'une comme à l'autre wilayas. A Jijel, elle est située à l'extrême nord-est. Du côté de Skikda, elle se trouve plutôt au fin fond des bourgades ouest de cette wilaya. Cette proximité n'a pas été sans créer un imbroglio pour la population des deux côtés des limites administratives. Si la plage est intégrée dans le territoire de la commune d'El Milia, à une trentaine de kilomètres au nord-est, elle est encore plus loin, à quelque 90 kilomètres à l'extrême nord-est du chef-lieu de la wilaya de Jijel. Juste à côté, les localités limitrophes de l'autre partie de Oued Z'hor relèvent de la wilaya de Skikda. Qu'à cela ne tienne. Depuis l'épisode cruel du terrorisme qu'a vécu le pays, la plage de oued Z'hor est décrétée zone interdite à toute activité estivale. Si la vie a repris prudemment ses droits de l'autre côté de Skikda, elle est encore à son état d'hibernation du côté des localités jouxtant la fameuse plage et qui font partie de la wilaya de Jijel. En dépit de l'absence de toute trace d'une vie proprement dit de ce côté-là, les mordus de la pêche et des amateurs de la nature forestière luxuriante de la région ont continué à fréquenter les lieux. Contre vents et marées, ils ont fait preuve d'un indéfectible attachement à l'amour qu'ils vouent à ce littoral, à son embouchure et aux eaux limpides de la rivière qui se jette en mer. Le terrorisme, ses exactions et ses affres qui ont contraint les habitants à fuir dans la précipitation la mort et le sang n'ont pas tué la vie. «On est là depuis de longues années, on revient pour la pêche et on y passe même la nuit, on n'a jamais eu de problèmes», confesse un inconditionnel de cette plage. D'avant cette séquence cruelle du terrorisme, on ne retient que le souvenir d'une région tout à fait prospère. La côte de Oued Z'hor, ses pastèques et ses produits maraîchers frais font partie de ce souvenir. «On a profité de la vie là-bas, on a tout mangé, c'était de la nourriture saine, le poisson frais, les fruits en tous genres ne manquaient pas, c'était la belle époque du camping à Oued Z'hor», relate, avec une pointe de nostalgie, Ahmed, un ex-enseignant, aujourd'hui en retraite. «C'était dans les années 1980, la paix et la tranquillité étaient les vertus absolues des lieux, la quiétude était totale, personne ne se souciait, d'ailleurs de sa sécurité», se rappelle-t-il encore. «Il y avait même des étrangers, des Européens surtout, qui venaient à bord de leurs motos et véhicules explorer la plage et la nature forestière de Oued Z'hor», témoigne à son tour Omar, un chirurgien-dentiste natif de la région. Son ami Salah, médecin et ancien joueur de football, se souvient : «Plus qu'une zone de baignade, Oued Z'hor était aussi un camp de base pour nos entraînements, notre équipe, le CRBEM, y avait loué des bungalows auprès d'une société où on avait préparé l'intersaison, c'était en 1990-1991.» Beaucoup de nostalgiques se rappellent de cette belle époque, où la mer dans toute sa splendeur du côté de Oued Z'hor était leur paradis. Leur destination privilégiée. Les tentes étaient le seul décor de l'été sur cette plage. Les familles y trouvaient leur compte. Si aujourd'hui une certaine pression s'exerce de plus en plus sur les autorités pour relancer l'activité estivale dans cette zone, la sécurité est encore une obsession pour les uns et les autres. La crainte des attentats se fait toujours sentir. L'ouverture de la plage exige une grande logistique avec, notamment, la création d'un poste de sécurité de la gendarmerie et la mise en place de tout un dispositif estival qui englobe l'affectation de surveillants de baignade de la Protection civile. «Si la route est aujourd'hui plus ou moins sûre, elle exige d'autres mesures de sécurité, ce qui fait dire que l'ouverture de cette plage n'est pas pour demain», chuchote-t-on. Cette appréhension n'a pas pour autant dissuadé certains fidèles à revenir sur les lieux pour se retremper dans le bain estival qu'ils avaient l'habitude de vivre. De nombreuses familles natives de la région ont fait leur premier baptême de retour il y a déjà quelques années. Des campeurs parmi les adeptes de cette plage ont également fait partie de cette cohorte de revenants. La plage est néanmoins loin de retrouver toute son ambiance d'il y a vingt ans. Le camping à Oued Z'hor dans toute sa magie n'est plus, hélas, qu'un souvenir !