L'ancien chef de la brigade criminelle d'Alger, Yacine Oussadit, poursuivi pour « détention illégale de stupéfiant, faux et usage de faux » est sorti de sa réserve pour faire état de sa version des faits concernant la découverte dans son bureau de 2,5 kg de kif, à la veille du procès de cette affaire, qui se tiendra mercredi au tribunal de Bab El Oued, situé à Baïnem (Alger). D'emblée, le commissaire a nié tous les faits qui lui sont reprochés en parlant lui aussi de complot ourdi contre sa personne. Revenant sur les circonstances de cette affaire, dans laquelle son adjoint, le commissaire Benchaâlal (en liberté provisoire), et un citoyen, Amirouche Gasmi (en détention préventive depuis près de six mois), sont également impliqués. « Le 21 juillet 2003, les éléments de la brigade criminelle ont procédé à l'interpellation du nommé Amirouche Gasmi, un dealer sur lequel ils ont trouvé 500 g de kif. La perquisition effectuée dans son domicile a permis la récupération d'une autre quantité de 2 kg de drogue. Les enquêteurs l'ont entendu sur procès-verbal qui devait être transmis au procureur, avant que le chef de la police judiciaire au niveau de la sûreté de wilaya d'Alger ne m'appelle par téléphone pour m'instruire de remettre Gasmi à la brigade de lutte contre la drogue (BLD), au sein de laquelle exerçait l'officier Bahouri. C'est d'ailleurs ce dernier qui est venu récupérer Gasmi en présence de plusieurs policiers du service de la brigade criminelle », a-t-il expliqué en reconnaissant néanmoins qu'aucun écrit ou décharge n'a été établi pour prouver ses déclarations. « Lorsque mon chef me demande de donner une affaire à un autre service, je ne peux lui exiger un écrit. Ce n'est pas dans les habitudes de nos relations de travail avec la hiérarchie. La drogue était mise dans le coffre-fort du service qui se trouvait dans mon bureau. » Le commissaire a noté par ailleurs que durant deux années personne n'a cherché après ce kif, précisant que lui-même pensait que « l'enquête était toujours en cours jusqu'au jour où j'ai été suspendu de mes fonctions. J'ai alors saisi le chef de sûreté de wilaya par écrit daté du 24 mars 2005, l'informant de l'existence dans son coffre d'une quantité de 2,5 kg de kif, saisie sur la personne de Amirouche Gasmi, remis à la BLD. Je ne voulais pas qu'au moment des passations de consignes, la drogue soit mise sur mon compte. » A la suite de ce courrier, le chef de sûreté de wilaya, de l'époque, en l'occurrence M. Sebouh, a transmis la lettre à l'inspection qui a auditionné le commissaire. « Lors d'une visite inopinée du chef de la division criminelle, le coffre a été ouvert et le kif saisi. A ce moment précis, j'étais suspendu de mes fonctions et mis à la disposition de la direction des ressources humaines. Une fois le kif trouvé, le procureur général a été informé et l'affaire a été mise sur le bureau du parquet de Bab El Oued. J'ai été auditionné par le juge près d'un mois plus tard, pour être inculpé par la suite. Je n'arrive toujours pas à comprendre pourquoi on veut me coller cette affaire. Que vais-je faire avec 2,5 kg de drogue dans le coffre du service ? Tout le monde au service de la brigade criminelle sait que ce kif appartenait à Amirouche Gasmi. Mon seul tort est peut-être de ne pas avoir demandé un écrit lorsque j'ai remis Gasmi Amirouche à l'officier Bahouri de la BLD. » Le commissaire Yacine Oussadit, actuellement révoqué des rangs de la sûreté nationale, a promis des révélations au cours du procès, auquel au moins une vingtaine de policiers ont été convoqués à titre de témoins à décharge et à charge. L'officier Bahouri, quant à lui, dément formellement avoir été chargé de récupérer Gasmi du bureau d'Oussadit. Pour lui, Gasmi n'a rien à avoir avec cette affaire. « Lorsque les services de l'inspection ont trouvé cette drogue dans le bureau du commissaire, il s'est défendu en affirmant qu'elle a été saisie sur Gasmi Amirouche, lequel a été menacé dans sa cellule à Ksar El Boukhari, où il finissait sa peine de deux ans pour une autre affaire, par des policiers qui voulaient lui faire dire que le kif lui appartient. » Devant les déclarations des uns et des autres, cette affaire illustre assez bien les dysfonctionnements qui gangrènent les services de police, notamment ceux chargés de la lutte contre la criminalité et le trafic de drogue. Il faut reconnaître que c'est pour la première fois qu'un commissaire chef de la brigade criminelle soit révoqué de ses fonctions sur décision du président de la République, puis traduit en justice pour une affaire de drogue. Trois autres hauts cadres de l'institution policière ont subi le même sort (révocation) sans que l'opinion publique soit informée des vraies raisons de cette décision.