Alors que les adeptes du «vapotage» sont de plus en plus nombreux à Oran, les vendeurs spécialisés commencent à pointer du nez. Reda fait figure de pionnier en investissant ce nouveau créneau. Son bureau de tabac, si on peut l'appeler ainsi, est situé pas loin de la place Gambetta, un des anciens quartiers de la ville. Dans cette boutique, ouverte avec, faute de mieux, un registre de commerce de l'ancienne catégorie «tabac-journaux», la cigarette ordinaire est bannie des étalages. Avec un design moderne et recherché ; l'intitulé «Smoke», nom du magasin, est trompeur car ici on vient plutôt pour arrêter de fumer. C'est du moins le prétexte de beaucoup de «vapoteurs» comme Karim, cadre dans une entreprise de promotion immobilière qui s'est essayé à cette méthode depuis un mois sans jamais y parvenir. Chez les grands fumeurs, Nordine, artiste concepteur de produits publicitaires, ne se fait pas trop d'illusion en alternant cigarette ordinaire et cigarette électronique juste pour faire des économies. «Je fume deux paquets par jour, ce qui me revient à 400 DA, alors qu'avec la cigarette électronique, un flacon me suffit théoriquement pour tout un mois», indique-t-il en mettant en avant l'idée répandue que le «vapotage» ne présente pas de danger pour la santé. Mais rien n'est certain. «Je ne fume plus, je vapote» Les médias du monde occidental, où le concept a été créé et développé, se sont penchés sur la question et les spécialistes interrogés s'accordent à dire qu'il est encore trop tôt pour se prononcer sur la nocivité ou pas de ce nouvel appareil qui permet néanmoins d'éviter l'inhalation de plus d'une dizaine de produits toxiques (dont le goudron) contenus dans le tabac classique. Quoi qu'il en soit, certains ont effectivement réussi à arrêter de fumer grâce à cette nouveauté technologique venue également avec sa terminologie, et les fumeurs parlent désormais de batterie de recharge (capacité en milliampères) usb, etc. «J'ai arrêté de fumer grâce à la cigarette électronique et c'est ce qui m'a motivé à me lancer dans ce commerce», explique Réda, gérant de Smoke. Il est jeune, mais la consommation de tabac lui a fait faire des séjours à l'hôpital. Ecran total de fumée C'est sans doute ce qui explique le choix de son slogan : «Je ne fume plus, je vapote» et l'animation d'une page facebook pour exposer ses produits mais surtout pour donner des conseils et expliquer la méthode.L'appareil en lui-même a été introduit chez les buralistes depuis pas mal de temps, mais chez ce spécialiste ce sont les liquides qui font la différence car il dispose de toute la gamme vendue en Europe. Il y a d'abord les arômes de tabac, les variétés les plus prisées dans le monde, mais aussi les arômes dits de fantaisie tels ceux du café ou de plusieurs autres plantes (réglisse, menthe) ainsi que les fruits (fraise, etc.). Les flacons sont vendus à 700 DA, mais les liquides contenus à l'intérieur présentent des contenances en nicotine variables, qui vont de 18 mg à 0 mg. Pour le dernier cas, le «vapotage» devient juste un plaisir et c'est en diminuant graduellement le dosage en nicotine qu'on arrive théoriquement à vaincre l'accoutumance. «Avec un dosage de 18 mg, deux bouffées suffisent pour avoir l'équivalent de la dose en nicotine, mais les grands fumeurs ont tendance, compte tenu de leur rythme ancien, à en abuser, ce qui n'est pas très recommandé car on risque d'avoir la sensation de brûlure à la gorge», explique le vendeur de ces appareils dont le prix se situe entre 3500 et 4800 DA, en fonction des marques mais aussi de la qualité des batteries de recharge dont les capacités vont de 650 milliampères à 1100 milliampères. La recharge dure entre 2 et 3 heures. En général, l'appareil standard est rechargeable près de 300 fois, ce qui équivaut à une année d'utilisation. En parallèle, fait amusant, des «chichas (narguilés) électroniques» sont également proposés à la vente à 900 DA. Ce sont des cylindres de la taille d'un stylo et ils sont conçus pour 700 bouffées mais avec une contenance nulle en nicotine, même s'ils donnent l'illusion de s'allumer comme la braise du narguilé mais sans les dangers de ce dernier. Introduits en Algérie par des affairistes moyen-orientaux, les cafés au narguilé pullulent également à Oran et les clients n'ont, en général, pas conscience du fait que ce genre de tabac est aussi nocif que la cigarette. Djamel Benachour