Dix jours après la disparition d'Albert Ebossé, joueur de la JS Kabylie, mortellement atteint par «un objet contondant», selon les termes du communiqué du procureur du tribunal de Tizi Ouzou, la vie reprend petit à petit son cours normal comme si de rien n'était, la reprise du championnat se prépare sans bruit et inexorablement. La tragédie est en train d'être évacuée. C'est le sentiment qui prévaut depuis quelques heures, surtout après le conseil interministériel tenu sous l'égide du Premier ministre Abdelmalek Sellal qui, comme prévu, n'a débouché sur rien de concret. La mort du joueur camerounais a été inscrite sur le registre de la fatalité. Sans plus. Cette issue était prévisible devant l'incapacité avérée des autorités à faire bouger les lignes. Le pire est à craindre. Rien de sérieux ni de probant ne se dessine à l'horizon. La violence dans les enceintes sportives a encore de beaux jours devant elle. Après la terrible tragédie qui a secoué l'Algérie et son football, tout le monde s'attendait à une rapide, vive et ferme réaction des autorités. Rien de tout cela ne s'est produit ou risque de se produire. Une fois de plus, l'épineux problème de la violence dans les stades a été dilué dans des discours indigents et des professions de foi qui nourrissent le phénomène en même temps que le laxisme, la démission et la fuite en avant qui ont toujours été les principaux vecteurs qui ont conditionné la démarche des autorités vis-à- vis de ce fléau. Face à la gravité de la situation et l'urgence de mesures appropriées à la hauteur du danger et de la menace que représente la violence dans les stades, le Premier ministre, Abdelmallek Sellal, a préconisé «la fin du laxisme». Rien que cela. Le ministre des Sports, Mohamed Tahmi, a mis l'accent «sur la nécessité d'installer des caméras de surveillance dans les stades et de nommer des directeurs de sécurité au niveau de chaque club». Le ministre de la Communication, Hamid Grine, a indiqué : «Le Premier ministre nous a instruits pour lancer prochainement une campagne de sensibilisation.» Ces responsables sont-ils sérieux lorsqu'ils avancent pareils propos ? Mesurent-ils réellement l'ampleur du danger que fait courir la violence dans les stades sur le devenir du football et la sécurité de ses différents acteurs ? Tous les doutes sont permis. En définitive, le conseil interministériel dont on attendait beaucoup a accouché d'un bide. Rien de nouveau n'a été annoncé. L'opinion qui se languissait d'une réaction forte des autorités après le drame de Tizi Ouzou a eu droit à un simple réchauffé de décisions déjà promulguées dans le passé et qui ont montré leurs limites. Les autorités et responsables ne semblent pas mesurer l'importance des enjeux et la gravité de la situation. C'est à se demander s'ils ont la réelle volonté de s'attaquer frontalement à ce cancer qui gangrène le football plus particulièrement ? Plus les jours passent, et plus s'installe une forme de pessimisme qui fait craindre le pire. Les autorités n'en finissent pas de choisir la même voie (sans issue) et les moyens (obsolètes) de lutter contre la violence et qui ont montré à maintes reprises leurs limites. Pourquoi alors ne pas changer de fusil d'épaule et opter pour une autre stratégie adaptée à la situation ? Les autorités algériennes sont-elles sourdes et aveugles à ce point ? Le problème réside dans leur incapacité à choisir les bons remèdes et les bonnes solutions. Toutes leurs actions reposent sur la conviction qu'elles ont que tout se règle par la matraque et la cœrcition. Le règlement du problème de la violence dans les stades ne peut jamais être du seul apanage des services de sécurité. Si tel était le cas réellement, il y a longtemps que le phénomène aurait disparu de nos contrées. Au contraire, il persiste. Ce qui signifie que l'approche sécuritaire à elle seule ne permettra jamais l'éradication de ce mal. Pourquoi ne pas s'inspirer des exemples de pays qui ont été confrontés à ce problème et qui s'en sont sortis ? La réponse est peut-être dans la question. Ici, on n'a jamais senti que les autorités se sont totalement impliquées dans ce combat. Les intentions de bonne foi sans lendemain, les projets mort-nés, les résolutions qui ont fini leur course dans les tiroirs attestent de l'amère et cruelle réalité qui n'encourage nullement à l'optimisme. Les constats sont la marque de fabrique du système algérien. La gravité de la situation plaide pour une autre orientation plus adaptée aux enjeux de l'heure et aux multiples dangers que fait peser la violence sur le football dans les stades. Il faut aller vite vers l'adoption d'une loi plus complète que celle de juillet 2013 et strictement réservée à ce volet. Ce qu'il y a à craindre, c'est que dans moins d'une semaine il y aura la rentrée sociale avec ses soucis et problèmes, qui reléguera au second plan le chapitre de la violence dans les stades. Le championnat va reprendre avec une accalmie durant quelques semaines, voire quelques mois et fera oublier la tragédie de Tizi Ouzou jusqu'au prochain drame qui viendra se rappeler au bon souvenir des autorités qui promettront, une fois de plus, de le combattre fermement comme lors des précédents épisodes qui ont endeuillé des familles et entaché l'image du football algérien.