Ces dix-quinze dernières années, sinon plus, la ville connaît une immense anarchie en matière d'urbanisme, surtout l'autoconstruction, qui n'a cure du respect des normes aussi bien architecturales qu'urbanistiques. Au diable ! semblent dire les nouveaux «constructors» (et non moins destructors du paysage urbain). Un peu partout, à travers le dédale de la capitale ou dans la banlieue, la défiguration du tissu urbain est patente. Elle fait désormais partie de notre décor urbain où le proprio d'une demeure met à profit l'espace qu'il occupe pour opérer des transformations sur sa bâtisse comme bon lui semble, empiétant sur le droit de son voisinage, grignotant sans coup férir l'espace public commun et annexant la servitude de passage qu'il considère comme un bien «beylick». Même les lotissements de villas, datant de l'époque coloniale, accusent le coup, en participant à la «faoudha» urbanistique, à la faveur, parfois, d'accointances de l'administration publique. Dès lors, comment expliquer qu'au milieu d'un lotissement de villas aussi jolies qu'harmonieuses, qui remonte aux années 1940, des proprios s'arrogent le droit d'ériger des immeubles étouffant la mitoyenneté et envoyant paître le code de l'urbanisme et d'architecture ? On démolit le R+1 ou R+2 pour y élever une monstruosité sous l'œil passif de la puissance publique. Que cela soit à Bir Mourad Raïs, Kouba, El Biar, Chéraga, Dély Ibrahim, Bologhine ou le long du front de mer, les exemples sont légion. Par ci, par là, des particuliers et des comités de quartier protestent, hurlent leur ire, adressent des pétitions aux autorités dites compétentes pour mettre fin à cette pagaille dans la cité. En vain. Ils ne réussissent pas à faire contrepoids à ces «begarrine» des temps modernes, dont le seul souci est de renflouer leur gibecière au prix de moult supercheries. Autres temps, autres mœurs, la villa qui suppose disposer pourtant d'un côté cour et d'un côté jardin fait partie d'une autre époque. L'essentiel pour le nouveau «constructor» est de dresser son R+10 avec locaux commerciaux en prime, quitte à faire entorse aux règles rudimentaires du plan local d'urbanisme et créer un trouble anormal à son voisinage : faire sortir des échasses, boucher la vue en entraînant une perte totale d'ensoleillement. Une question toutefois s'impose : toute cette confusion qui altère le panorama urbain et pénalise le collectif est-elle l'œuvre du «constructor», ou serait-elle attribuée à l'incurie, voire au laxisme de l'autorité dite publique ?