Le président du Conseil national de l'ordre des architectes (CNOA), Djamel Chorfi, avait annoncé, il y a un mois, que «l'autoconstruction, qui représente 80% du tissu urbanistique national connaît un grand vide juridique». Une situation qui devient préjudiciable à la qualité des tissus urbains, commente-t-il. Une vue en plan nous donne cette image d'une cité enlaidie par des façades jamais achevées. Le proprio de la «demeure» se donne la priorité de se démener dans tous les sens pour rendre opérationnel le niveau zéro de sa bâtisse, en libérant des locaux commerciaux et les rendre par conséquent rentables au plus vite. Les lotissements attribués par le passé pour réaliser des constructions à usage d'habitation R+1 ou R+2, dans le souci de respecter le tissu urbain et par voie de conséquence l'environnement, sont transformés au fil des ans en assiettes où on ne se contente plus de deux ou trois niveaux. Les dispositions du cahier des charges sont foulées aux pieds par les «beggarine», ces goinfres de mauvais goût. Ils mettent ensuite la puissance publique devant le fait accompli après avoir érigé et surélevé comme bon leur semble, au mépris de la loi, de la qualité architecturale et du voisinage qu'ils envoient valdinguer, si ce dernier ose leur faire une quelconque remarque. Même la Police de l'urbanisme et de la protection de l'environnement (Pupe) se retrouve impuissante, se confinant dans sa petite mission, celle de dresser des procès-verbaux qu'elle transmet au premier magistrat de la commune ou au wali délégué. Puis, plus rien. La liste des infractions au code de l'urbanisme et d'architecture relevées n'est pas exhaustive et les mesures coercitives demeurent visiblement molles. On ferme l'œil sur ceux qui n'hésitent pas à démolir un espace vert ou une aire de jeux pour y planter un immeuble de douze étages, voire plus, au milieu d'un lotissement de villas dont les proprios se font ravaler leur colère, faisant les frais de collusions entre les barons du foncier et d'indélicats individus émargeant au sein de la commune, la Such ou la Duch. Un bâtiment abritant 40 ou 50 locataires est plus avantageux à vendre qu'une villa, n'est-ce pas ? A Bab El Oued, un ancien terrain de basket, situé à la rue ex-Picardie, datant de l'époque coloniale, a été détourné de sa vocation pour y ériger un hideux immeuble, obstruant la vue à la ménagère. Après moi le déluge, semble dire le «nouveau» riche à ses riverains, qui verront le soleil moins luire sur leurs villas ! Avez-vous déjà entendu parler d'une villa R+11 ? Hé ben, cela existe ! car la notion de villa avec son côté cour et son côté jardin, comme on le connaît depuis que la ville existe, fait partie d'un autre temps… Une fois le plan d'architecture et le permis de construire en main, c'est du «tag âla man tâg !».