Vingt ans après. Il est primordial de ne pas oublier les victimes du terrorisme islamiste. Comment rendre hommage aux 200 000 victimes de la terreur islamiste ? C'est la question qu'ont posée familles et militants du devoir de vérité, opposés à l'impunité des auteurs et responsables de cette tragédie nationale et à l'amnésie. Le cadre, le stand du PLD tapissé de portraits de victimes du terrorisme connues ou anonymes de la décennie 90. Après une minute de silence en signe de recueillement, la première à témoigner est Zoulikha Fardeheb, veuve de Abderrahmane Fardeheb, professeur d'économie à l'université d'Oran, assassiné le 26 septembre 1994, au matin, alors qu'il accompagnait sa fille Amel à l'école. L'oratrice, la gorge nouée, dénonce un «parjure», celui de se taire. «Les familles sont sommées de pardonner aux bourreaux. La trahison prend le pas sur l'équité et la justice.» Elle évoque les «7300 jours infiniment longs chargés de larmes et de rancœur» depuis l'assassinat de son époux et père de ses enfants. Zahira Guenifi, mère de Hichem, 20 ans, qui suivait un stage d'ingénieur du son à la Chaîne III, tout aussi digne et avec pudeur fait part du désarroi des familles «par rapport à notre gouvernement». «Je n'oublierai jamais ces paroles de Bouteflika alors qu'il venait d'être élu président : ‘Si j'avais leur âge, j'aurais fait comme eux' (les terroristes montés au maquis). Silence Et aussi : «La mémoire, c'est à nous familles de victimes du terrorisme qu'il appartient de l'entretenir et de la transmettre à nos petits-enfants (j'en ai quatre) pour que les Algériens gardent cette mémoire.» Mahmoud Bekouche, directeur de l'école vétérinaire d'El Harrach, assassiné à bout portant le 11 juillet 1994 sous les yeux de ses collaborateurs. Sa belle-sœur, Soad Baba Aïssa, féministe, militante associative en France, témoigne : «Il m'avait demandé de lui faire la promesse de ne pas laisser salir notre mémoire.» Et «ce devoir de mémoire nous permet d'analyser, de comprendre, d'expliquer». «Mahmoud Bekouche a été assassiné parce que laïc.» Elle dénonce : «L'imposture de l'Etat qui consent aux bourreaux de marcher la tête haute, l'amnistie impose aux familles de victimes le silence.» «Une amnésie organisée par le pouvoir politique.» «Les jeunes Algériens doivent connaître les crimes de la décennie sanglante. Le devoir de mémoire c'est construire pour les générations futures un Etat de droit, la tolérance, la citoyenneté. Pourquoi ce rêve ne se réaliserait-il pas ?» Aouicha Bekhti, féministe et militante associative en Algérie, annonce la création d'un collectif «Manansakch» pour lutter contre l'amnésie et rendre hommage au combat des victimes. «Le terrorisme n'était pas aveugle», insiste-t-elle.