Le président de la majorité parlementaire libanaise Saâd El Hariri, dont le pays est en guerre, arrivera ce matin en Algérie pour une visite officiellement partisane. En effet, c'est l'autre parti majoritaire algérien, le FLN, qui le reçoit, selon les termes d'un communiqué rendu public hier par ce parti. Accompagné d'une forte délégation de 30 membres parmi les cadres de son parti, Saâd El Hariri sera accueilli à 11h à l'aéroport international d'Alger par Saïd Bouhadja et Salah Goudjil, tous deux membres de l'instance exécutive du FLN. Les invités du parti de Belkhadem seront ensuite directement dirigés vers la résidence d'Etat d'El Mithak où ils rejoindront la délégation du FLN, conduite par le secrétaire général Abdelaziz Belkhadem, pour des discussions entre les deux parties. Contacté par nos soins, le responsable de la communication du FLN précise que Saâd El Hariri n'a pas été invité ni par son parti ni par les autorités officielles algériennes. « Il a émis le vœu de rencontrer les responsables du parti majoritaire, puisque son parti est également majoritaire au parlement libanais », indique Saïd Bouhadja. Notre interlocuteur souligne également que les discussions tourneront « essentiellement sur la situation au Liban », ce qui confère à cette visite une dimension quasi officielle. Des indiscrétions confient d'ailleurs que Saâd El Hariri sera bel et bien reçu par le président Bouteflika et par Abdelaziz Belkhadem en sa qualité de chef du gouvernement. Cela est d'autant plus vrai que le FLN ne pouvait raisonnablement recevoir ses invités dans une résidence d'Etat pour débattre des questions partisanes. Il est connu en effet que la résidence El Mithak est pratiquement réservée aux invités de l'Etat algérien et non ceux des partis politiques, fussent-ils majoritaires. A moins que les autorités algériennes ne veuillent pas assumer diplomatiquement une visite pour les implications qu'elle pourrait avoir dans un pays (re)plongé à nouveau dans la guerre. En quête de soutien Déjà soupçonné d'être en contact avec le gouvernement israélien en pleine guerre contre son pays, Saâd El Hariri serait tenté de ratisser les plus de soutiens possibles chez les dirigeants arabes pour une éventuelle initiative de paix avec Israël. Très fortement soutenu par les capitales occidentales, notamment Paris, Washington et Londres, qui ont pris en charge l'enquête sur l'assassinat de son père dans leur volonté de « corriger » le régime syrien, Saâd El Hariri apparaît aujourd'hui dans la peau d'un homme prestigieux par qui la solution à la question libanaise pourrait advenir. Une solution cependant délicate à concevoir tant elle devrait prendre en considération les desiderata des grandes puissances dans une espèce de renvoi d'ascenseur et la configuration politique et confessionnelle du Liban. Cet enchevêtrement d'enjeux et d'intérêts semble avoir poussé l'héritier de son célèbre père Rafik El Hariri à consulter ses frères arabes avant d'entreprendre sa démarche. D'ailleurs, au FLN, on précise bien que leur invité fera également une tournée dans le Maghreb et au Moyen-Orient. Cela étant dit, il est tout de même curieux de constater cette confusion des rôles dans l'appareil de l'Etat et celui du FLN depuis que le patron de ce parti a fait main basse sur la chefferie du gouvernement. « Le parti-Etat » de la sombre période de l'unicité semble avoir repris place dans l'échiquier institutionnel national. Les invités du FLN sont presque automatiquement ceux du président de la République. Il y a moins de quinze jours, le premier secrétaire du Parti socialiste français (PS) François Hollande, qui était invité par le FLN, a eu les honneurs inespérés d'être reçu en audience par le président de la République et Abdelaziz Belkhadem dans sa deuxième casquette de chef du gouvernement. Interrogé par nos soins, le patron du PS avait avoué que son « tête-à-tête » avec Bouteflika « n'était pas prévu ». Tout se passe comme si le FLN faisait de la prestation de service au président issu, il est vrai, du même parti, le FLN.