La mobilisation en France et à l'échelle internationale, notamment dans le monde arabe, se poursuivait hier au 12e jour de l'enlèvement des journalistes Christian Chesnot et Georges Malbrunot pour leur libération. « Dans ces heures et ces jours difficiles, l'ensemble des pouvoirs publics va continuer à prendre toutes les initiatives possibles pour que soient libérés Christian Chesnot et Georges Malbrunot », a déclaré le président Jacques Chirac lors du Conseil des ministres, selon les propos rapportés par le porte-parole du gouvernement, Jean-François Copé. Ce dernier n'a pas voulu préciser quelles initiatives étaient prises par la France. « Nous sommes dans une situation très inquiétante », a commenté, de son côté, François Fillon, ministre de l'Education nationale, sur RMC-Info. Nous n'avons aucune information qui nous permette ni de pencher pour l'optimisme, ni de craindre le pire », a-t-il dit. Une délégation du Conseil français du culte musulman (CFCM) a quitté hier après-midi Paris pour Baghdad, via Amman. Le principe de l'envoi d'une délégation à Baghdad avait été annoncé mardi par le recteur de la Grande Mosquée de Paris et président du CFCM, Dalil Boubakeur. Mohamed Bechari, vice-président du CFCM, a souligné hier matin sur Europe 1 que cette délégation voulait notamment « lancer le message aux ravisseurs » des deux journalistes français que « cet acte barbare ne sert ni la question irakienne, ni la question de la communauté musulmane en France ». L'autre objectif serait de « marquer un point fort dans l'histoire de la communauté musulmane en France en montrant que nous sommes une communauté à part entière française ». Le Monde dans son éditorial relève du reste que « sans préjuger de l'issue, heureuse ou tragique, de cet enlèvement, tout démontre que les extrémistes de l'Armée islamique en Irak ont manqué leur cible politique. C'est même très exactement le contraire qui s'est produit depuis quelques jours. Loin de diviser la communauté musulmane de France, loin de renforcer son aile la plus radicale, loin de creuser un fossé irrémédiable entre la société française et les quelque cinq millions de musulmans qui la composent, l'enlèvement des deux journalistes français a suscité un mouvement de communion nationale, presque d'union sacrée, encore bien improbable il y a peu »... « Tout démontre que la communauté musulmane a saisi l'occasion pour exprimer, plus qu'elle ne l'avait jamais fait, son attachement à la France et son désir d'intégration et de reconnaissance. » Le ministre des Affaires étrangères, Michel Barnier, est arrivé hier matin à Doha, en provenance d'Egypte. Son homologue du Qatar, cheikh Hamad Ben Jassem Al Thani, a lancé un appel à la libération des deux journalistes et au « respect » des lois et du système politique français, à l'issue d'une entrevue avec lui. M. Barnier devait aussi avoir des entretiens avec des dignitaires religieux, et se rendre au siège de la télévision satellitaire qatariote Al Jazira. Le chef de la diplomatie française s'était déjà rendu lundi en Egypte puis en Jordanie avant de regagner Alexandrie, mardi. A Baghdad, le représentant spécial de Michel Barnier, Hubert Colin de Verdière, poursuivait hier ses contacts avec les différentes composantes de la société irakienne. Pour sa part, l'ambassadeur de France en Irak, Bernard Bajolet, a rencontré hier des membres du Conseil des oulémas qui essaie d'obtenir la libération des journalistes français. Le Conseil des oulémas, organisation sunnite jouissant d'une grande influence en Irak, a appelé les ravisseurs des deux journalistes à les libérer, soulignant qu'une exécution nuirait à leur cause. Mohammed Bachar Al Faïdi, porte-parole du Conseil des oulémas, a lancé cet appel à la télévision, faisant valoir que l'enlèvement n'était pas un moyen approprié pour dénoncer la loi française interdisant le port du voile islamique à l'école. La diplomatie française a suscité une impressionnante solidarité dans le monde arabe et musulman, celle « des dirigeants et des peuples... mais aussi celle qui émane des plus hautes autorités de l'Islam », a souligné le ministre Barnier. Prié de dire si l'on pouvait espérer quelques heures encore pour la diplomatie, Mohamed Ghoualmi, l'ambassadeur d'Algérie en France, a répondu : « Je pense. » L'ambassadeur d'Algérie en France, qui était interrogé hier matin par RTL, avait jugé crédible l'information de la Ligue arabe estimant que la fin de l'ultimatum des ravisseurs était fixée à hier soir et non mardi comme annoncé initialement. « Je pense que la Ligue arabe est une organisation sérieuse. Si cette déclaration est faite, c'est qu'elle a des fondements solides. » Pour sa part, l'ambassadeur de la Ligue arabe à Paris a confirmé l'information. Amr Moussa, secrétaire général de la Ligue arabe, avait annoncé peu avant minuit mardi un report de l'ultimatum lancé par les ravisseurs de Georges Malbrunot et Christian Chesnot. Le pape Jean-Paul II a lancé un appel pour la libération des journalistes français et condamné les récents actes de terrorisme dans le monde, lors de l'audience générale hebdomadaire au Vatican. La dirigeante des Moudjahidine du peuple iranien, Maryam Radjavi, a appelé hier dans un communiqué diffusé à Paris « à sauver la vie et à libérer immédiatement » les deux reporters.