Sans être inquiété, le journaliste Lemine Ould M. Salem a pu approcher la mouvance de l'islamiste Belmokhtar. Il en résulte un livre nourri d'informations. C'est une œuvre de longue haleine que nous propose le journaliste Lemine Ould M. Salem dans son livre qui a paru jeudi dernier en France, Le Ben Laden du Sahara : sur les traces du djihadiste Mokhtar Belmokhtar, aux éditions La Martinière. Imprégné du pays saharien où il passe chaque année de longs mois, le journaliste s'est approché de la plupart de ceux qui sont devenus par la suite de redoutables djihadistes. Cela lui a permis d'avoir des contacts dont peu peuvent se targuer. Il a ainsi été très proche d'un des adjoints les plus influents de Belmokhtar, Jouleybib, oncle par alliance. Celui-ci l'appelle de son téléphone satellitaire pour lui donner des infos ou des tuyaux, selon ce qui ressort de la lecture de cet ouvrage dans lequel l'auteur apporte nombre d'informations intéressantes sur cette mouvance où islam s'accompagne de trafics en tout genre, sauf celui de cigarettes Marlboro ou d'alcool, contrairement à la légende forgée autour de Belmokhtar. C'est en tout cas ce que jurent à l'auteur des témoins, qui affirment sans rire que dérouter des produits subventionnés en Algérie serait plus conforme à l'islam (pages 42 à 45). De nombreux scoops Jouleybib confie à Lemine Ould M. Salem le numéro de téléphone d'un geôlier qui lui passera l'otage français Yann Dejeux. C'est l'un des scoops que décrochera l'auteur. Plus tard, dans le nord du Mali occupé par les islamistes, c'est le même personnage qui lui signera un permis de circuler. Lemine Ould M. Salem raconte comment, en 2012, alors que des sbires l'avaient interpellé pour vérification, son téléphone sonna : c'était Jouleybib. Ould M. Salem leur passa l'interlocuteur. Ils se mirent pour ainsi dire au garde-à-vous. Il fut relâché avec des excuses. En 2013, alors que l'auteur était à deux doigts d'approcher enfin Belmokhtar, Jouleybib trouve la mort dans une opération militaire française. Si le titre laisse prévoir des révélations sur Mokhtar Belmokhtar, la plupart des éléments rapportés au plan chronologique sont connus car largement diffusés dans les médias, dont El Watan, depuis des années. Notamment le différend entre Belmokhtar et Abou Zeid, l'autre émir sanglant du Sahel, d'origine algérienne. L'auteur y ajoute des éléments sur la vie privée, si l'on ose dire, de Belmokhtar, dont son mariage avec une jeune Arabe malienne, renforçant ses liens avec des tribus locales dont certains membres vont grossir les rangs de son groupe islamiste. L'ambiguïté du journaliste est de faire son boulot en allant chercher l'information là où elle est, même dans l'antre du démon. C'est ainsi qu'il nous fait entrer dans les coulisses de ce mouvement terroriste depuis le début des années 2000 jusqu'à la tentative d'annexion du nord du Mali en y instituant un Etat islamique et les suites de l'intervention française. Outre ses déplacements et son origine mauritanienne qui l'aident, Lemine Ould M. Salem a pu compulser des documents exceptionnels, comme les procès-verbaux d'enquêtes de police et d'auditions devant des juges, ainsi que des témoignages inédits recueillis auprès de personnes, dont des militaires ou policiers africains ayant eu à faire avec Mokhtar Belmokhtar et sa bande.