C'est un Premier ministre libanais très déçu, le visage fermé et les traits tirés qui s'est présenté aux côtés de l'émissaire des Usa à la conférence de presse qui a conclu la conférence internationale sur le conflit libano-israélien. Plus de 600 représentants des médias, entre journalistes, photographes et cameramen, ont dû attendre plus de deux heures pour que les quatre participants aux travaux annoncent les décisions arrêtées et parlent « d'une seule voix ».A cause du caractère très serré et houleux des débats, le chef de la diplomatie française nous l'a confirmé à sa sortie de la rencontre, très peu d'indiscrétions avaient circulé avant le point de presse, conjointement animé par Condoleezza Rice, le vice-président du conseil et chef de la diplomatie italienne, Massimo d'Alema, et le secrétaire général de l'ONU, Kofi Annan. Mais les déclarations faites auparavant aussi bien par Tel-Aviv que Washington plaidaient plutôt pour un échec de ce rendez-vous diplomatique. Condoleezza Rice avait clairement déclaré, à partir du Moyen-Orient, où elle avait effectué une brève tournée, que ce serait « donner de faux espoirs que de parler de la promulgation d'un cessez-le-feu lors du sommet romain ». Pourtant, Fouad Siniora, chef du gouvernement libanais, avait espéré jusqu'au bout que les souffrances de son peuple puissent entamer la froide détermination des Américains à vouloir à tout prix satisfaire les Israéliens. La France à moitié satisfaite Le responsable libanais avait déclaré faire le déplacement pour l'Italie « uniquement pour obtenir un cessez-le-feu ». Mais les arguments du gouvernement de Ehud Olmert ont pesé lourd, semble-t-il, dans la balance des discussions. Le ministre français des Affaires étrangères n'a pas mâché ses mots lorsque nous l'avons apostrophé, à sa sortie de la salle des discussions, au siège du ministère des Affaires étrangères à Rome. A notre question « La délégation française est-elle déçue par ce résultat ? », Douste-Blazy nous a répondu : « Nous avons bataillé pour que la phrase ‘‘cessation immédiate des hostilités'' soit clairement stipulée dans la déclaration finale, mais l'opposition de Condoleezza Rice n'a pas rendu cela possible. » Une formule plus édulcorée et moins coercitive avec Israël a été retenue et qui énonce : « Les participants expriment leur détermination à œuvrer dès maintenant, avec une extrême urgence, afin de parvenir à une trêve qui mette fin à la présente vague de violence et d'hostilité. Le cessez-le-feu doit être durable et soutenu. » Mais le chef de la diplomatie française nous a assuré que son gouvernement se considère satisfait à moitié, puisque l'autre désir de la secrétaire américaine, qui consistait à faire avaliser par les participants le projet de création d'une force multinationale d'interposition, avec un commandement de l'Otan, n'a pas abouti, grâce surtout à la réticence française. La déclaration finale, en effet, parle de « la future et urgente autorisation d'une force internationale placée sous l'égide de l'Onu afin de souvenir les forces armées libanaises dans leur mission de garantir des conditions de sécurité totale ». Enfin, les participants demandent à Israël « d'exercer la plus grande modération » et se félicitent de son accord pour l'instauration d'un couloir humanitaire qui puisse permettre aux aides internationales d'être acheminées aux populations civiles, à travers l'aéroport de Beyrouth. Concernant la contribution de la communauté internationale à la reconstruction du Liban, la Banque mondiale n'a exprimé aucun engagement à l'issue de la conférence de Rome. Son directeur général, Paul Wolfowitz, un proche de George Bush, avait laissé entendre avant le sommet que son institution ne débloquerait aucune aide avant qu'un cessez-le-feu définitif ne soit observé. Et c'est sans doute pour pallier cette volte-face et sortir de la quadrature du cercle que les participants appellent dans leur déclaration les pays donateurs à tenir une conférence dans les prochains jours, espérant que d'autres Etats emboîtent le pas à l'Arabie Saoudite, qui a déclaré vouloir contribuer à hauteur d'un milliard et demi de dollars à la reconstruction du Liban. Un pays « qui est en train de s'effondrer. Presque mis à genoux », a imploré hier dans la capitale italienne son chef du gouvernement.