Dans leur impeccable uniforme blanc et rouge, les caissières affichent un large sourire commercial. Les caddies sont bien rangés. Les étals fournis et agréablement aménagés. Ce super marché dans Beyrouth-Est ne semble pas différent d'un autre établissement du genre. Mais quand on descend, en empruntant les escaliers mécaniques, aux trois niveaux du parking, on se retrouve nez à nez avec 2000 réfugiés installés à même le sol sur des couches de fortune avec quelques ventilateurs pour seule aération. « Nous nous sommes enfuis, il y a treize jours, de Bir Abid (banlieue Sud de Beyrouth) sous les bombes », dit cette femme installée avec sa sœur et leurs dix enfants dans le parking du sous-sol. « Ici, on ne manque de rien. Les différentes associations apportent nourriture, médicaments, lait et couches-culottes. Mais, tout cela on peut s'en passer, ce qui est important c'est la sécurité », explique-t-elle, alors qu'un encadreur du Hezbollah ajoute : « Mais avec Israël, on est nulle part en sécurité, car ils frappent les abris avec des bombes spéciales. » « Ma fille a eu une grave infection aux yeux, suite à un bombardement », le rejoint une mère qui a fui, elle aussi, la banlieue Sud. Les mêmes récits se répètent : la fuite du Sud-Liban ou de la banlieue Sud, les heures de courses sous les bombes, les enfants atteints de crise de nerfs, etc. « Ma maison a été détruite, je suis veuve et je n'ai qu'Allah et mon fils de onze ans qui a fait une dépression nerveuse. Même si je sors d'ici, je n'ai plus où aller », raconte encore cette femme de Bir Abid. « Le pire, ce sont les répits. Les gens y croient et commencent à revenir vers la banlieue Sud et puis sont surpris par les bombardements », dit sa voisine de fortune. « C'est comme un fou, dont la famille veut s'en débarrasser, alors elle le livre à la rue pour embêter les passants », dit Nadia, 40 ans, fonctionnaire, habitant Beyrouth-Ouest. Le fou est Israël, la famille, la communauté internationale. « Nous sommes ici épargnés par les bombardements, mais si cela s'aggrave, nous irons en Syrie », prédit-elle. 700 000 Libanais ont déjà quitté leur pays et d'autres s'apprêtent à le faire.